A plus de 22000 signataires (à l’instant où j’écris ces lignes) en seulement 6 jours, je crois qu’on peut le dire : l’Appel à la vérité que nous avons initié, Frigide Barjot, François Taillandier, François Miclo, Koztoujours et moi, rencontre le cœur des gens. Nous l’avons lancé comme un ras-le-bol, sans plans, sans prévisions, sans calculs, simplement désireux de mettre notre notoriété plus ou moins grande pour faire entendre la lassitude de toute une frange de la population, du catho moyen, engagé ou pas à droite ou à gauche, à l’agnostique exaspéré.Depuis six jours, nous les regardons, ces signatures, avec joie, avec incrédulité aussi, notant ici ou là des signataires que nous n'attendions pas, comme les journalistes Bruno Roger-Petit et Jean-Dominique Merchet, ces trois prêtres mariés qui signent comme tels, ces protestants dont le pasteur Eric George d'Evreux, de l'excellent blog (tendance réformée-libérale) Miettes de théo, ces femmes qui signent "mère de prêtre" ou le théologien et pasteur luthérien Jehan-Claude Hütchen. Des gens de toutes tendances, de tous milieux, qui mélangent joyeusement leurs signatures uniques pour amorcer ce qu'il faut bien appeler un début de mouvement d'opinion.
Nous avons été beaucoup interrogés par la presse cette semaine. Des journalistes plutôt sur la défensive au départ, puis interloqués par la diversité des signataires, puis bluffés par leur nombre (Bourdin de RMC Info n'en revenait pas que nous ayons atteint les 10 000). Des journalistes enfin qui ont cherché à comprendre, et dont on a eu l'impression que tout doucement, pour certains, ils prenaient peut-être conscience de ce phénomène d'emballement médiatique que nous récusions.Et que cette minorité silencieuse qu'est le catholicisme en France s'exprimait enfin à haute et intelligible voix.
Alors bien sûr, tout n'est pas réglé. Même si les lignes bougent. On note toujours, par exemple, que l'AP a fait une dépêche de la plus haute importance sur l'opinion du président du Costa-Rica, prix Nobel de la Paix sur le célibat des prêtres. J'en suis très heureuse pour le Costa Rica, qui n'a pas si souvent les honneurs des agences de presse. Il faudrait passer le mot aux chefs d'Etat du monde entier: si vous voulez que l'on parle de votre pays, donnez votre opinion sur le célibat consacré.Il y a cette dépêche dont il faudra m'expliquer l'intérêt en termes d'info, et qui concentre un peu tout ce que nous reprochons en matière de surenchère: une non-info (un prêtre a séjourné dans un hôpital catholique, waaaah trop scandaleux - à quand une dépêche "Benoît XVI est né la même année qu'un pédophile américain") dont le seul objet, finalement, est de matraquer une fois de plus la phrase "Depuis fin 2009, l'Eglise catholique est secouée par des révélations en série d'abus pédophiles commis par des religieux, souvent couverts par leur hiérarchie, en Europe, notamment en Irlande et Allemagne, et aux Etats-Unis" alors qu'il s'agit précisément d'une affaire qui n'a pas été couverte par l'Eglise. Il y a ce communiqué de presse, reprenant le texte de l'Appel et ses 71 premiers signataires, que nous avions envoyé au premier jour à l'AFP. Il nous avait valu une réponse assez sèche de la journaliste, qui tout en précisant qu'elle n'engageait pas son employeur dans sa réponse, manifestait son incompréhension de notre démarche par un "vous consacrez autant de place à taper sur les médias qu'à exprimer votre solidarité avec les victimes et votre souhait que la vérité soit faite. Comme si les médias étaient responsables de la pédophilie dans l'Eglise (ou ailleurs) si vous avez détecté des médias qui pêchent par "partialité, méconnaissance ou délectation", que ne leur demandez-vous un droit de réponse ???" et du coup ne reprenait pas l'info. En revanche, quand l'Osservatore Romano a publié notre appel, la même AFP qui a comme tous les médias du monde les yeux braqués sur ce journal vatican pour y lire la ligne de défense de l'Eglise, y a consacré une dépêche, sans prendre la peine d'aller sur notre site (qui était indiqué) et en traduisant du coup notre appel de l'italien au français, ce qui a mis dans notre bouche des mots que nous n'avions pas employés.
En voyant tout cela, je me dis que oui, il y a un problème. Et il ne concerne pas, ainsi que nous le soulignions dans l'Appel même, que le traitement médiatique des affaires religieuses. Plus largement, les journalistes occidentaux n'ont plus les moyens de faire leur travail. Ni le temps ni l'argent. Ils sont obligés, le plus souvent, de se fier aux dépêches, et de faire confiance à des sources déjà passées au prisme des agences. Et cela, c'est grave. La mondialisation de l'info, c'est la mort de la presse libre.