Je sais pas vous, mais moi, cette campagne présidentielle, j'en ai ras la calotte. Une overdose comme j'en ai rarement eu. D'autant que, en bonne catholique, je représente une cible fort convoitée, si j'en juge le nombre d’œillades que me fait le candidat le moins bien placé pour le 2e tour. Et quand je parle d’œillades, je devrais dire drague obscène. Au point que, alors que je m'étais promis de ne pas écrire sur le sujet, me voilà à mon pupitre.
Voyez-vous, cela fait quelques jours que je ne peux plus ouvrir ma page Facebook sans avoir l’œil agressé par des affirmations péremptoires du style : ''Les cathos qui voulaient voter Hollande, lisez ça et changez d'avis !'', ou encore : ''Je pars en direction du Trocadéro pour soutenir Sarkozy, le président pour lequel je veux voter. Je ne suis pas favorable au vote blanc, ni à un certain purisme catho (motivé en apparence par la Vérité... mais qui au fond n'est pas incarné, et tremble de peur face aux spectres du laïcisme, des images médiatiques faussées et diabolisatrices de Sarko, et du binarisme manichéen gauche/droite)''. Ou bien : ''Le seul vote cohérent est le vote responsable ! Votez utile ! Votez Sarko !'' Ou ceci : ''Rappel et conseil à qui pense voter blanc, nul ou s'abstenir : Ça ne sert strictement à rien!'' Allez, un dernier pour la route : ''Excellent article synthétique qui répond admirablement aux catholiques qui seraient tentés de voter Hollande en raison de leur sensibilité de gauche ou aux belles âmes qui voudraient voter blanc''.
My God, si j'ai encore le droit de le dire.
Car je finis par me poser la question. Moi, le 6 mai, je ne voterai pas Sarkozy. Je suis donc, si j'en crois les statuts FB pré-cités, et qui proviennent de gens que j'estime, voire que j'aime : 1/ une girouette, 2/ pas incarnée et peureuse, 3/ irresponsable, 4/ un peu coconne, 5/ ''belle âme'' péchant par ''sensibilité''. Ouille, mes dents.
Mieux : si j'en crois le discours sous-jacent, je ne suis même pas une bonne catholique. Et c'est d'ailleurs ce que trois éminents prêtres tradis, dont l'abbé de Tanoüarn, que je considère comme l'un des cerveaux de prêtre les plus brillants que je connaisse – et cela dit sans ironie aucune – m'ont déjà expliqué dans une lettre qui n'est ''en aucun cas une consigne de vote'' mais dans laquelle on m'explique que le programme de François Hollande n'est pas catholique.
Plus écoeurant encore : il circule en ce moment un faux mail, attribué à un carme parisien, qui reprend toutes les prises de position du président Sarkozy en faveur de l'identité chrétienne de notre pays, des valeurs chrétiennes en général et de tout ce qui va avec'', et explique que le seul vote cohérent pour un catholique est le vote Sarko. Manque de bol, le frère Christophe Marie, joint par un mien ami, n'est absolument pas au courant qu'il a écrit ce texte. Quelqu'un a simplement usurpé son identité pour donner une crédibilité au message.
Ce dernier procédé m’écœure.
Pour le reste, j'ai le cuir solide, et rassurez-vous : je ne suis pas blottie dans mon lit à pleurer parce que mes amis n'ont pas les mêmes opinions que moi. Et je sais bien que nous sommes à la veille du deuxième tour, que les esprits s'échauffent, que la direction que prend la société - qu'elle tourne à droite ou à gauche – est terrifiante. Cela fait plusieurs années que je ne cesse de le dire à travers ce blog.
Est-ce une raison pour tomber à ce point dans l'anathème ? Cher ami blogueur-catho-de-droite, fais-moi la grâce de ne pas me penser totalement idiote. Estime-moi capable d'une réflexion, ne fût-elle pas la tienne. Épargne-moi les slogans binaires matraqués, les syllogismes trop court, la culpabilisation sourcils froncés. Tu es un grand garçon ou une grande fille, et moi aussi.
Vois-tu, je ne voterai pas Sarkozy. Je ne voterai pas Hollande non plus. Je ne voterai pas du tout, en fait. Et je l'assume. Et je vais t'expliquer pourquoi.
Cette élection du 2e tour, je la vois comme un choix pervers. Ce qu'il me faut choisir, c'est moins un président que la survie d'une des catégories de faibles de notre société. Et la perversité est là : si je choisis tel faible, je condamne tel autre. Si je vote Sarkozy, je sauve le vieillard souffrant à qui l'on explique qu'il n'est plus digne et qu'il n'a qu'à se suicider. Si je vote Hollande, je sauve le gamin sans papiers en centre de rétention. Si je vote Sarkozy, je participe au matraquage des chômeurs, dont il veut nous faire croire que ce sont des nantis passant leur temps à refuser des offres d'emploi pour continuer à buller aux frais du contribuable. Si je vote Hollande, je participe au délire collectif d'une gauche obnubilée par le contrôle étatique du sexe, qui s'arroge le pouvoir de dire par la loi ce qui est anthropologique et ce qui ne l'est pas. Voter Sarkozy ? Impossible, je déteste les ambiances sociales à couper au couteau. Voter Hollande ? Hors de question, j'ai en horreur le totalitarisme soft. Le choix qu'on me propose ? L'obsession du fric contre l'obsession du cul.
Sans moi, cher ami. La vie m'a appris que lorsqu'un choix pervers nous est proposé, le mieux est de ne pas en faire.
Et mon non-vote n'est pas une démission. Rassure-toi, j'ai lu les textes, celui de Jean-Paul II parlant du devoir de chaque chrétien de participer à la vie politique, celui de la Conférence des évêques de France, et quelques autres. Mais la participation à la vie politique se résume-t-elle au vote ? Non, Dieu merci. Cela fait longtemps que je crois, et que j'écris, que l'influence d'un groupe n'est pas tant affaire d'élections que de lobbying. D'autres que nous ont montré la voie : chapeau bas au lobby gay qui a réussi à faire en sorte qu'une élection présidentielle dans un pays au bord du gouffre puisse se jouer sur les préoccupations d'une infime partie des personnes homosexuelles; félicitations à l'Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité qui, à une poignée de clampins, est parvenue à imposer l'idée que le grand âge est un fardeau. Un grand bravo, vraiment. Et à très vite : c'est votre exemple qu'il faut suivre.
Le 6 mai, vive la pêche au goujon. Le 7, rendez-vous dans l'arène.