Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
2 mai 2012 3 02 /05 /mai /2012 15:38

  1-presid-illustration-vote-abstention_228.jpgJe sais pas vous, mais moi, cette campagne présidentielle, j'en ai ras la calotte. Une overdose comme j'en ai rarement eu. D'autant que, en bonne catholique, je représente une cible fort convoitée, si j'en juge le nombre d’œillades que me fait le candidat le moins bien placé pour le 2e tour. Et quand je parle d’œillades, je devrais dire drague obscène. Au point que, alors que je m'étais promis de ne pas écrire sur le sujet, me voilà à mon pupitre.

Voyez-vous, cela fait quelques jours que je ne peux plus ouvrir ma page Facebook sans avoir l’œil agressé par des affirmations péremptoires du style : ''Les cathos qui voulaient voter Hollande, lisez ça et changez d'avis !'', ou encore : ''Je pars en direction du Trocadéro pour soutenir Sarkozy, le président pour lequel je veux voter. Je ne suis pas favorable au vote blanc, ni à un certain purisme catho (motivé en apparence par la Vérité... mais qui au fond n'est pas incarné, et tremble de peur face aux spectres du laïcisme, des images médiatiques faussées et diabolisatrices de Sarko, et du binarisme manichéen gauche/droite)''. Ou bien : ''Le seul vote cohérent est le vote responsable ! Votez utile ! Votez Sarko !'' Ou ceci : ''Rappel et conseil à qui pense voter blanc, nul ou s'abstenir : Ça ne sert strictement à rien!'' Allez, un dernier pour la route : ''Excellent article synthétique qui répond admirablement aux catholiques qui seraient tentés de voter Hollande en raison de leur sensibilité de gauche ou aux belles âmes qui voudraient voter blanc''.

My God, si j'ai encore le droit de le dire.

Car je finis par me poser la question. Moi, le 6 mai, je ne voterai pas Sarkozy. Je suis donc, si j'en crois les statuts FB pré-cités, et qui proviennent de gens que j'estime, voire que j'aime : 1/ une girouette, 2/ pas incarnée et peureuse, 3/ irresponsable, 4/ un peu coconne, 5/ ''belle âme'' péchant par ''sensibilité''. Ouille, mes dents.

Mieux : si j'en crois le discours sous-jacent, je ne suis même pas une bonne catholique. Et c'est d'ailleurs ce que trois éminents prêtres tradis, dont l'abbé de Tanoüarn, que je considère comme l'un des cerveaux de prêtre les plus brillants que je connaisse – et cela dit sans ironie aucune – m'ont déjà expliqué dans une lettre qui n'est ''en aucun cas une consigne de vote'' mais dans laquelle on m'explique que le programme de François Hollande n'est pas catholique.

Plus écoeurant encore : il circule en ce moment un faux mail, attribué à un carme parisien, qui reprend toutes les prises de position du président Sarkozy en faveur de l'identité chrétienne de notre pays, des valeurs chrétiennes en général et de tout ce qui va avec'', et explique que le seul vote cohérent pour un catholique est le vote Sarko. Manque de bol, le frère Christophe Marie, joint par un mien ami, n'est absolument pas au courant qu'il a écrit ce texte. Quelqu'un a simplement usurpé son identité pour donner une crédibilité au message.

Ce dernier procédé m’écœure.

Pour le reste, j'ai le cuir solide, et rassurez-vous : je ne suis pas blottie dans mon lit à pleurer parce que mes amis n'ont pas les mêmes opinions que moi. Et je sais bien que nous sommes à la veille du deuxième tour, que les esprits s'échauffent, que la direction que prend la société - qu'elle tourne à droite ou à gauche – est terrifiante. Cela fait plusieurs années que je ne cesse de le dire à travers ce blog.

Est-ce une raison pour tomber à ce point dans l'anathème ? Cher ami blogueur-catho-de-droite, fais-moi la grâce de ne pas me penser totalement idiote. Estime-moi capable d'une réflexion, ne fût-elle pas la tienne. Épargne-moi les slogans binaires matraqués, les syllogismes trop court, la culpabilisation sourcils froncés. Tu es un grand garçon ou une grande fille, et moi aussi.

Vois-tu, je ne voterai pas Sarkozy. Je ne voterai pas Hollande non plus. Je ne voterai pas du tout, en fait. Et je l'assume. Et je vais t'expliquer pourquoi.

Cette élection du 2e tour, je la vois comme un choix pervers. Ce qu'il me faut choisir, c'est moins un président que la survie d'une des catégories de faibles de notre société. Et la perversité est là : si je choisis tel faible, je condamne tel autre. Si je vote Sarkozy, je sauve le vieillard souffrant à qui l'on explique qu'il n'est plus digne et qu'il n'a qu'à se suicider. Si je vote Hollande, je sauve le gamin sans papiers en centre de rétention. Si je vote Sarkozy, je participe au matraquage des chômeurs, dont il veut nous faire croire que ce sont des nantis passant leur temps à refuser des offres d'emploi pour continuer à buller aux frais du contribuable. Si je vote Hollande, je participe au délire collectif d'une gauche obnubilée par le contrôle étatique du sexe, qui s'arroge le pouvoir de dire par la loi ce qui est anthropologique et ce qui ne l'est pas. Voter Sarkozy ? Impossible, je déteste les ambiances sociales à couper au couteau. Voter Hollande ? Hors de question, j'ai en horreur le totalitarisme soft. Le choix qu'on me propose ? L'obsession du fric contre l'obsession du cul.

Sans moi, cher ami. La vie m'a appris que lorsqu'un choix pervers nous est proposé, le mieux est de ne pas en faire.

Et mon non-vote n'est pas une démission. Rassure-toi, j'ai lu les textes, celui de Jean-Paul II parlant du devoir de chaque chrétien de participer à la vie politique, celui de la Conférence des évêques de France, et quelques autres. Mais la participation à la vie politique se résume-t-elle au vote ? Non, Dieu merci. Cela fait longtemps que je crois, et que j'écris, que l'influence d'un groupe n'est pas tant affaire d'élections que de lobbying. D'autres que nous ont montré la voie : chapeau bas au lobby gay qui a réussi à faire en sorte qu'une élection présidentielle dans un pays au bord du gouffre puisse se jouer sur les préoccupations d'une infime partie des personnes homosexuelles; félicitations à l'Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité qui, à une poignée de clampins, est parvenue à imposer l'idée que le grand âge est un fardeau. Un grand bravo, vraiment. Et à très vite : c'est votre exemple qu'il faut suivre.

Le 6 mai, vive la pêche au goujon. Le 7, rendez-vous dans l'arène.

Partager cet article
Repost0
19 avril 2012 4 19 /04 /avril /2012 14:06

i-love-jules-ferry-132147185442Quand on est journaliste, on essaie de comprendre, d'analyser et de ne pas juger. Parfois c'est facile ; d'autres fois moins. Une excellente occasion m'est offerte aujourd'hui grâce à mes confrères de Ouest France , qui racontent comment des élèves d'une école privée catholique de Rennes se sont vu interdire l'accès au Conservatoire de l'école publique, un musée créé par la Délégation départementale de l'Education nationale d'Ille-et-Vilaine (DDEN35) et qui propose « aux enfants de redécouvrir à quoi pouvait ressembler une salle de classe à l’époque de Jules Ferry et d’assister à un cours version ''un siècle plus tôt'' ».

Le journaliste de Ouest-France, dans un souci légitime de comprendre, a donc appelé le président de la DDEN35, Jean-Louis Robert, pour lui demander pourquoi. Réponse de l'intéressé : « C'est dans nos statuts. Ce Conservatoire est réservé aux élèves du public et nous refusons que des élèves des écoles catholiques s'y rendent. C'est notre droit et c'est comme ça ».

 

Bon.


Monsieur Robert, c'est pas une critique, mais on ne peut pas dire que vous nous aidiez, ma carte de presse et moi, à tenter de comprendre la raison d'une telle interdiction. Mais c'est pas grave : j'ai quelques idées que je me propose de vous soumettre, amis lecteurs.

 

1/ Les enfants des écoles catholiques sont pleins de microbes. Et par les temps qui courent, et même qui galopent, avec la résistance accrue aux antibiotiques, les pesticides dans les légumes et la recrudescence de la tuberculose, ces élèves sont une population à risque qu'il convient, dans un souci prophylactique, de mettre en quarantaine. Pensez donc : ces malheureux enfants obligés de prier à genoux sur la froide dalle d'une chapelle humide plusieurs fois par jour – c'est bien connu que ça se passe comme ça dans les écoles cathos, et encore je ne vous parlerai pas du cilice obligatoire – sont des tuberculeux qui s'ignorent, pardon : des poitrinaires et des phtisiques, comme on dit sans doute au Conservatoire, où l'on a probablement tenu à conserver aussi le langage de l'époque de Jules Ferry.

 

2/ Les enfants des écoles catholiques veulent s'inscrire dans une histoire qui n'est pas la leur. Dylan, Kevin et Malika, que leurs parents ont inscrit au cours Sainte-Thérèse parce que le public ne remplit plus son rôle ce sont des calotins finis, sont exclus de fait de l'Histoire de France qui, comme chacun sait, est laïque et républicaine depuis au moins Clovis. Leurs ancêtres à eux étaient certainement d'épouvantables sectaires se réunissant chaque soir dans un presbytère aux volets clos dans lequel de mystérieux jésuites à l'oeil plein de flammes pratiquaient d'étranges rituels de malédiction de la République. Dylan, Kevin et Malika, désolée : vous vous imaginiez Français, mais en fait vous êtes Cathos. Allez hop, retournez à vos chapelets – comment ça ''c'est quoi'' ?

 

3/ Suis-je sotte!!! Décidément je vois le mal partout. En fait c'est pas discriminatoire, c'est une mesure qui vise à protéger les Minorités™ de l'effrayante machine centralisatrice jacobine qui a un siècle durant éradiqué la moindre trace de Diversité™ des publics scolaires français. Non mais pourquoi pas demander à Aminata et Idris de réciter ''nos ancêtres les Gaulois'', tant qu'on y est ? Vous imaginez un peu le traumatisme de Dylan, Kevin et Malika, obligés d'être confrontés à cette réalité atroce de l'école laïque, gratuite et obligatoire du temps de Jules Ferry ? Et sans l'ombre d'un crucifix au-dessus du tableau noir pour les soutenir ? Bourreaux d'enfants, va.

 

4/ La République est en danger. Les émigrés royalistes rassemblent leurs troupes aux frontières de France, avec l'argent de l'Autriche et de la perfide Albion. L'ennemi est à nos portes, et la Cinquième Colonne, à savoir les Catholiques, essaient de l'intérieur d'espionner la merveilleuse école républicaine, ce joyau que le monde entier nous envie. Holà, félons, il faudra passer sur nos corps laïques, gratuits et républicains. Nous défendrons jusqu'à la mort le Conservatoire de l'Education Nationale. Roulements de tambour.

 

Bon, je billevèse, je baguenaude, je me ris, mais en fait c'est pas idiot. Allons jusqu'au bout de la logique. Réservons l'entrée au Musée des Arts Premiers aux enfants descendants d'immigrés africains et asiatiques. Interdisons l'accès des Invalides aux enfants dont les parents ne sont pas militaires. Les musées gallo-romains, aux Gallo-Romains.

 

Le monde s'en portera bien mieux, vous verrez.

Partager cet article
Repost0
24 février 2012 5 24 /02 /février /2012 08:34

l solutionEn période de crise, c'est quand même rassurant de voir à quel point les hommes politiques et responsables de tous bords se penchent sur les vrais problèmes des vrais gens. C'est vrai quoi : on compte un million d'enfants pauvres en France, un chômage exponentiel, un salariat précarisé toujours davantage, la méfiance, voire la haine qui s'installe confortablement entre catégories de la population, les jeunes diplômés qui sont toujours en stage à 35 ans, l'industrie morte, l'espérance éradiquée, l'école sinistrée, les retraites qui implosent, le système de santé au bord du gouffre, les prisons débordées, nos soldats qui se font tirer comme des lapins dans une guerre ingagnable qui n'est même pas la nôtre, mais tout va bien, nos responsables sont à la barre, et croyez-moi, ils ont les solutions qui décoiffent.

 

L'une de ces solutions, prise courageusement par notre administration, est de faire cesser cette intolérable discrimination qui fait que l'on appelle les jeunes filles « mademoiselle », et les femmes mariées « madame ».

 

Valérie pourra continuer d'élever seule ses deux enfants avec moins de 1000 euros par mois, mais elle aura la satisfaction de voir que l'huissier venu chez elle saisir son mobilier l'appelle Madame et non Mademoiselle.

 

Stéphanie ira bien avorter sous la menace de son petit ami, déjà marié, mais au moins les médecins tueront son bébé en l'appelant Madame.

 

Véronique continuera de travailler à temps partiel dans un supermarché, sans pouvoir rentrer chez elle pendant la pause de 6 heures imposée par son employeur, ce qui la fait quitter son domicile à 5h le matin et rentrer à 21h, mais elle sera une Madame.

 

Quant à Virginie, elle continuera d'être payée 20% de moins que son subordonné Clément, mais il ne l'appellera plus Mademoiselle, et ça, franchement, ça change sa vie.

 

Ce qui est chouette, c'est qu'à l'approche de l'élection présidentielle ce genre de mesures courageuses est prôné par la quasi-totalité des candidats.

 

Si Hollande est élu, les gens auront le droit de se suicider (alors qu'avant ils n'avaient pas le droit, hein), mais avec l'aide de leur médecin, ce qui est nettement plus convivial.

 

Si Sarkozy repasse, les gens auront le droit de travailler, grâce à un référendum qui va résoudre le problème du chômage, avec cette question qui renferme la solution ultime à la paupérisation galopante de la société : « Pensez-vous que ces salauds de pauvres doivent aller bosser à coups de pied au cul au lieu de glander devant TF1 pendant que les travailleurs les entretiennent ? »

 

Je vous le dis, vivement le mois de mai. On va voir ce qu'on va voir.

Partager cet article
Repost0
22 décembre 2011 4 22 /12 /décembre /2011 21:39

_Nativite_GIOTTO.jpg

Cher Père Noël petit Jésus,

Voici ma lettre pour ton anniversaire. Je voulais, comme il est de coutume, te faire une liste de cadeaux. Mais si tu veux bien, ce sera une liste des cadeaux que tu m'as faits cette année.

 

Merci Seigneur, de m'avoir appris à travailler l'abandon à ta volonté, en scrutant avec mon mari pendant neuf mois les courbes de mes cycles de l'an passé pour arriver à comprendre comment, mais COMMENT, MAIS COMMENT on l'a fait, ce troisième bébé-pas-prévu-adorable.

 

Merci Seigneur, de m'avoir aidée à travailler mon humilité en passant pour une hystérique totale aux yeux des habitants de mon quartier, lorsqu'ils me voient hirsute et habillée comme l'as de pique, sortir de l'immeuble chaque matin à 8h, trois enfants courant partout en criant autour de moi, à essayer d'asseoir mon autorité à grand renfort de hurlements – sans grand succès.

 

Merci Seigneur, de m'avoir appris le détachement, lorsque mon fils de trois ans demande dans le métro bondé d'une voix cent fois plus forte que lui si le monsieur, là, qui est gros, hé ben il est gros parce qu'on lui a coupé le zizi comme les bœufs qui sont gros parce qu'ils n'ont plus de zizi.

 

Merci Seigneur, de m'avoir donné un bébé qui tète trois fois par nuit, ce qui me permet de passer du temps avec Toi vu que je peux pas mettre la télé parce que mon mari dort à côté.

 

Merci Seigneur, de m'avoir accordé cette fatigue de plomb depuis cinq ans, dont j'ai d'abord attendu qu'elle s'en aille avant de comprendre qu'elle était directement liée au souci de ces petits que tu nous a confiés.

 

Merci Seigneur, de cet émerveillement devant ma fille de 5 ans qui fait le pari de Pascal en m'expliquant que « moi je crois en lui parce que bon, s'il existe pas, tant pis, mais si il existe comme ça il sait que je crois en lui et il ne m'oubliera pas » - certes, elle ne parlait pas de Toi, mais du père Noël, mais bon, on va dire que c'est un début.

 

Merci pour cette fabuleuse grasse matinée que mon mari et moi avons pu faire jusqu'à 8h du matin, un jour, au lieu des 5, 6 ou 7h réglementaires.

 

Merci de me permettre, même quand je tente de prendre une douche, d'être toujours à l'écoute de mes enfants, comme cette fois-là : « Maman, François il a dit 'j'm'en fiche'. - Oui, ben j'm'en fiche. Débrouillez-vous, je prends ma douche. (le François en question, vaguement inquiet) Elle a dit quoi Maman ? (sa peste de sœur) – Elle a dit que tu devais m'obéir et me donner tes jouets ».

 

Oui, pour tout ça et plus encore, pour mon adorable mari, pour mes amis que j'aime, pour les rencontres par Internet et ailleurs, merci Seigneur.

 

Et bon anniversaire.

Partager cet article
Repost0
27 octobre 2011 4 27 /10 /octobre /2011 13:59

cast.jpgMon frère,

Si je m’adresse à toi aujourd’hui, c’est parce que tu fais la une de bien des journaux ces jours-ci. Et pas qu’en France : de la Hongrie à l’Espagne en passant par la Pologne, l’Angleterre et l’Italie, le petit monde médiatique ne parle que de toi. Pleins feux sur ta jeunesse vibrant d’indignation scandant des slogans au bord d’un théâtre pour la défense d’une cause qui te tient à cœur autant qu’à moi : la défense du Christ. C’est d’ailleurs un paradoxe : tu es de ceux qui, à raison souvent, brocarde le petit cirque médiatique qui privilégie l’anecdote sur le fond, qui catégorise le bien et le mal-penser, et qui ne t’aime guère. Or voici que tu es tout heureux d’avoir réussi à attirer l’attention de ce système que tu méprises. Sois comblé, ami : en fait d’intégrisme chrétien, les journalistes en mal de christiano-bashing n’avaient guère que la caricaturale église baptiste de Westboro. Maintenant ils t’ont. Et je ne suis pas certaine que c’était ton but. Je suis même persuadée du contraire.

Comme moi, comme beaucoup d’entre nous, tu écoutes en serrant les poings le récit de la passion le vendredi saint. Oh ! Si tu avais été là, comme tu l’aurais défendu, ce Jésus que tu aimes de tout ton cœur ! Comme tu aurais opposé ta foi ardente et tes bras vigoureux aux soldats venus Le chercher! Terrible paradoxe au cœur même de notre foi : comme le Christ l’a vigoureusement montré à Pierre, en guérissant le soldat par lui estropié, si nous aimons le Christ il faut le laisser outrager. Car si nous le défendons, il ne meurt pas sur la croix. Qu’en aurait-il alors été de notre salut ? Nul ne le sait. Mais notre kérygme, c’est celui-ci : Dieu a vocation à se faire humilier, souiller, cracher dessus. Que des metteurs en scène plus ou moins inspirés lui déversent des litres de merde dessus ? Mon frère, c’est exactement ce qu’Il est venu chercher en s’incarnant parmi nous. En agissant ainsi, qu’ils en soient conscients ou non, ces hommes-là perpétuent la figure du Christ crucifié et sanglant, tombant sous les huées, maculé de crachats et de traces de coups, comme dans cette Passion de Mel Gibson que tu as tant aimée. Sans ce Christ-là, pas de Christ glorieux.

Il y avait eu l’affaire Piss Christ. Au risque de t’étonner, j’ai trouvé cette œuvre très forte. Un Christ plongé dans l’urine, comment mieux exprimer l’abomination de la mise à mort de Dieu ? Comment mieux frapper les consciences d’une seule image : Dieu s’est offert à nous et nous lui avons pissé au visage ? J’irai même plus loin. Bernard Antony, un de ceux qui t’ont encouragé à manifester de la sorte, parle d’un « art d’excrémentation ». Toi, tu as scandé que tu refusais un « spectacle de merde ». Mais l’incarnation, qu’est-ce, sinon l’enchaînement à la condition humaine, une condition… de merde, au sens propre ? « Inter urinas et feces nascimur », disait Augustin. L’homme, cette déjection que l’incarnation appelle au divin.

Et entre nous : un vieillard qui fait sous lui sous le regard du Christ ? Si pour nous ce n’est pas la plus formidable métaphore qui soit de la dignité que confère à tout homme, même le plus abîmé, le regard de Dieu ; si nous trouvons obscène et blasphématoire cette scène-là, ne nous retrouvons-nous pas du côté de ceux qui dénient précisément cette dignité aux vieillards incontinents, dont notre monde attend qu’ils se laissent euthanasier proprement et sans se répandre en sécrétions abjectes ?

Il y a eu ensuite Golgota Picnic, que je n’ai pas vu mais qui pour le coup semble ouvertement, volontairement, blasphématoire. Bien sûr que mon cœur, comme le tien, saigne en voyant la haine que peut déchaîner le Tout-Amour. Mais mon frère, cette blessure-là, si tu veux bien, ne cherchons pas à la soigner, à la guérir, à la réparer. Gardons-la béante car si Dieu veut, par la grâce de la prière, elle nous aide à entrer dans la déchirure absolue dans le cœur même du Christ – ce Sacré-Cœur qui t’es familier. Cette blessure, pour peu qu’elle ne contienne pas trop d’orgueil, c’est le lieu entre tous où se rejoignent l’amour du Père et l’ingratitude de Ses enfants – l’histoire du salut, en un mot.

Tout ça, c’est ma perception de ces deux œuvres. Tu n’es pas obligé bien évidemment de la partager, et tes arguments, je les comprends. Mais pour la pièce de Roméo Castellucci, ce qui me gêne, c’est que tu ne l’as pas vue. Et les journalistes ne t’ont évidemment pas loupé là-dessus. Alors, avant de te laisser mon frère, quelques suggestions que je te soumets, en vrac : ne laisse pas d’autres gens te dire ce qu’il est bon que tu croies d’un sujet, quel qu’il soit, va voir par toi-même. Si tu décides de réagir en tant que chrétien, que ce soit en Christ avant d’être pour le Christ. Sois noble comme ta jeunesse et ta fougue t’appellent à l’être, ne te mets pas au niveau de tes adversaires. Excréments sur la scène, huile de vidange sur les spectateurs : même combat. Ne réclame pas en même temps l’abolition de la loi pakistanaise sur le blasphème et la création chez nous d’un délit du même tonneau. Et si ta vocation t’appelle à défendre le Christ, les défis ne manquent pas : le combat pour la dignité humaine, de sa conception à sa mort naturelle, n’a que trop besoin de ton enthousiasme et de ta foi. Tu mérites mieux, cent fois mieux, que cette croisade de pacotille. Et le Christ aussi.

Partager cet article
Repost0
24 octobre 2011 1 24 /10 /octobre /2011 10:47

imagec2f73f3f3ada1.pngC’est un article de 360°, le magazine suisse gay,  lesbien, bi et trans. Qui titre ainsi un article daté du 18 octobre dernier : Les sites de drague gay, nouveaux paradis de l’exclusion. On y apprend donc que sur les sites de drague gays, « la liste de «s'abstenir» devient interminables: gros, efféminés, blacks, asiatiques, vieux... les préférences sexuelles semblent, de plus en plus, ne s'exprimer que sous la forme d'une litanie d'exclusions ». Et que donc, comme c’est discriminant, c’est pas bien. Diantre.

Il me semblait, à moi, que le désir était ontologiquement discriminant. Que ce qui fait la nature même du désir sexuel, c’est le fait de se fixer arbitrairement sur telle ou telle caractéristique plus (il a un beau sourire) ou moins (elle a de gros seins) avouable. Hé bien non ! Le gay moderne, tout à sa béatitude de représenter l’essence de l’humanité post-moderne, devrait baiser à couilles rabattues avec tous, en prenant soin de ne négliger aucun quota.

Première remarque : les sites incriminés sont des sites… de cul. Quitte à vouloir un coup d’un soir, il est normal de le vouloir attirant, non ? Au nom de quelle névrose s’obliger à bander devant quelqu’un qui ne vous attire pas a priori ?

Seconde remarque : ce qui rend la chose laide, triste et étriquée, ce n’est pas que certains préfèrent avoir dans leur lit Elvis à vingt ans qu’Elvis à quarante ans. C’est que dans l’un et l’autre cas, personne ne s’intéresse à Elvis pour lui-même, juste pour le plaisir qu’il est susceptible de donner. Et ça, oui, c’est triste à mourir. Cela fait d’ailleurs plusieurs siècles que le christianisme le dit, que le désir tout seul c’est étriqué et moche.

On bute ici sur les limites bien réelles d’un désir homosexuel que certains voudraient tellement plus ouvert et épanouissant que le désir hétéro, forcément bourgeois et gagne-petit. On le voit bien, la réalité est tout aussi crue que chez les hétéros.

Troisième remarque : en catégorisant l’humanité dans des petites cases, en définissant les personnes selon leur sexualité, en réduisant finalement l’humain à sa génitalité, le gender n’est-il pas foncièrement discriminant ? Si l’on pousse un peu la logique portée par cet article, le fait de se déclarer anthropologiquement homosexuel n’est-il pas injuste envers les femmes ?

Allons plus loin encore :  si j’évoque mon cas personnel, au risque de me faire traîner en procès par des hordes de frustré-e-s de tous pays, âges, sexes, couleurs etc, il se trouve que je discrimine dans mon désir la totalité de l’humanité à l’exception de mon mari.

La vache.

Je suis la discrimination personnifiée.

Partager cet article
Repost0
22 septembre 2011 4 22 /09 /septembre /2011 18:22

african_american_execution.gifL’exécution mercredi 21 septembre à 5h08 du matin de Troy Davis, aux USA, a provoqué sur Twitter une de ces polémiques que le web affectionne. Fallait-il que les trois journalistes présents à l’exécution « live-tweetent », c’est-à-dire décrivent presque seconde par seconde les dernières heures du condamné ? La blogueuse Virginie Lominet, alias @laristocraft, a répondu par la négative dans un billet que je vous recommande. « Gros malaise. Sensation de voyeurisme, impression d’être tous réunis comme autrefois sur la place publique afin d’assister au spectacle de la mise à mort. Je refuse de participer à ça, je refuse de lire des tweets qui décrivent minute par minute ce qui se passe là-bas. S’il n’y a plus rien à faire, je ne veux pas me mêler à cette curiosité malsaine. Je ferme donc ma colonne #TroyDavis. Cet homme va mourir dans quelques heures, mais pas sous mes yeux. »

Pour ma part, à la question : « Peut-on live-tweeter une exécution ? » je réponds oui. Et que non seulement on peut, mais on doit. Je veux qu’on dise au monde entier que Troy Davis a voulu partager son dernier repas avec ses co-détenus, comment il était habillé, s’il a eu la visite de ses proches et lesquels. Je veux qu’Obama et le gouverneur de Géorgie voient sa mère pleurer. Je voudrais même que l’on installe des caméras dans la chambre d’exécution, et que cette chambre ne soit plus une pièce confinée à l’abri des regards dans une prison, mais comme autrefois, sur la place publique. Je veux que le monde entier soit témoin de l’ignominie qui consiste à mettre à mort un homme.

Car enfin, si l’Etat de Géorgie a jugé digne, juste et normal que l’on tue froidement un homme, qu’il l’assume. Je veux que l’humanité entière entende le cœur de Davis battre en accéléré au fur et à mesure que le temps passe, comme pour rattraper ces battements auquel il n’aura pas droit au-delà de 5h08 du matin. Je veux que l’on voie la sueur sur son front, que chacun le regarde longuement, sanglé sur son lit de mort, l’aiguille dans le bras, attendant quatre heures durant une grâce qui ne viendra pas. Je veux qu’une caméra obscène nous montre les trois injections, celle qui endort pour éviter les pleurs et les cris,  celle qui paralyse pour qu’on ne voie pas les convulsions, et celle qui tue. Je veux que chacun soit au courant du raffinement suprême qui consiste à injecter une solution saline entre les trois piqûres, pour éviter que les produits ne se mélangent.

Et tant que j’y suis, je veux qu’on rétablisse la guillotine. Ou mieux, la décapitation à la hache. Que ça saigne, bon Dieu ! Il a mérité de mourir, dites-vous ? Alors qu’est-ce que cette mort policée, lisse, sans aspérité ? Que les partisans de la peine de mort assument leur boucherie. La peine de mort, nous disent-ils, doit avoir un effet dissuasif ? Soit. Alors dissuadez, mais pas à la sauvette, de nuit, comme des voleurs. Que l’on emmène les enfants de maternelle assister au spectacle, que ça les dissuade ! Je propose même que chaque membre du jury qui a condamné Troy Davis donne un coup de hache sur sa nuque, juste assez fort pour le décapiter lentement en douze coups.

Et que partout dans le monde, des citoyens live-tweetent les exécutions. Pour que le sang des condamnés, fussent-ils noirs et probablement innocents comme Troy Davis, ou blanc et certainement coupables comme Lawrence Brewer, retombe sur la tête de ceux qui ont demandé à le voir extraire de leurs corps.

Partager cet article
Repost0
31 août 2011 3 31 /08 /août /2011 21:47

A partir de demain, retrouvez-moi sur www.lavie.fr pour, chaque matin, la matinale chrétienne, un tour d'horizon de l'info religieuse sur le web!

Autre rendez-vous, sur Radio Notre-Dame cette fois, chaque vendredi à 8h47: je serai au micro de Marie-Ange de Montesquieu pour un "blog-notes" hebdomadaire.

Quant à Nystagmus, ça continue, avec quelques papiers dans les tuyaux, à fignoler et publier sous peu ;)

Partager cet article
Repost0
24 août 2011 3 24 /08 /août /2011 18:14

 

300px-Massacre_saint_barthelemy.jpgNous sommes aujourd'hui le 24 août. Selon le calendrier liturgique, nous fêtons saint Barthélémy. Et sur le calendrier historique, nous commémorons un massacre devenu emblématique des guerres de religion, le massacre de la Saint-Barthélémy.

 

On le sait aujourd'hui, il était au moins autant question de politique que de religion dans cet événement. Il n'empêche: même si ce massacre n'a jamais été ordonné par les chefs religieux de l'époque, ce jour reste comme une tâche noire sur le vêtement du Christ. Que des chrétiens tuent des non-chrétiens, c'est odieux; que des chrétiens se massacrent entre eux, c'est épouvantable.

 

Aujourd'hui, merci mon Dieu, nous ne nous entretuons plus. Mais soyons honnêtes, l'oecuménisme n'avance plus guère. A quoi cela tient-il?

 

Du côté des catholiques, on note un enthousisme mesuré et poli. Le dimanche qui clôt la semaine de prière pour l'unité des chrétiens, on invite le pasteur local à venir prêcher en lieu et place du sermon du curé, si le pasteur est une femme on roucoule que « quand même, elles ont une façon très différente de prêcher, c'est rafraîchissant » on récite un credo ensemble en s'extasiant du remplacement du terme « catholique » par « universel », et on retourne vivre tranquillement sa vie catho sans plus s'intéresser à la question pour les 364 jours avant la prochaine.

C'est un poil court non?

 

Côté protestant, il y a chez les réformés historiques, ne l'occultons pas, un anticatholicisme de base nourri justement des tribulations de l'Histoire. Je connais, dans les Cévennes, quelques familles dans lesquelles on est protestant de tradition, comme il existe des cathos de tradition, et pour qui voir un enfant épouser un/une catholique est encore vécu comme un drame.Et plus généralement, on s'offusque beaucoup, chez les réformés, des « positions du pape sur l'oecuménisme ».

Ces positions, qui ne sont pas celles du pape mais de l'Eglise catholique, quelles sont-elles?

  • - que seule l'Eglise catholique a la « plénitude de la révélation »

  • - que les églises protestantes ne sont pas des églises, mais des « communautés ecclésiales ».

 

Je vous l'avoue, j'ai toujours été très étonnée des réactions protestantes à ces deux affirmations. A chaque fois que l'on évoque ces deux points, on a l'impression d'être passible du Tribunal pénal international. Sur la première, certains réagissent comme s'ils étaient outrés que l'Eglise catholique pense... qu'elle a raison. Avec un minimum de bonne foi, concevez que si l'on croit en quelque chose, c'est qu'on pense effectivement avoir raison.La culture relativiste ambiante nous conduirait-elle à finir par vouloir que l'Eglise croie qu'elle a tort parce que d'autres ne pensent pas comme elle?

 

Sur la seconde assertion, les réactions sont tout aussi énigmatiques. Luther avait dit que l'Eglise catholique était la putain de Babylone dont parle la Bible, et beaucoup des fils de la Réforme, s'ils ne le disent pas, le pensent. Convenez que si nous, catholiques, sommes enfants de la putain de Babylone, nous sommes fort peu agressifs en traitant les protestants de « fils de communautés ecclésiales ».

 

Dire que l'Eglise catholique est la seule Eglise pleine et entière ne fait pas des catholiques des chrétiens meilleurs que les autres.Et les autorités catholiques sont très claires là-dessus: dans le « Directoire pour l'application des principes et des normes sur l'oecuménisme », il est écrit ceci: « [les catholiques]confessent que la totalité de la vérité révélée, des sacrements et du ministère, que le Christ a donnée pour la construction de son Eglise et pour l'accomplissement de sa mission, se trouve dans la communion catholique de l'Eglise. Certes, les catholiques savent qu'ils n'ont pas personnellement vécu ni ne vivent pleinement des moyens de grâce dont l'Eglise est dotée. » En gros: il nous a été donné de pouvoir vivre pleinement en chrétiens grâce aux moyens donnés par l'Eglise, ce qui ne veut pas dire qu'on le fasse, loin de là. Je le dis avec d'autant plus de liberté que je dois mon retour à la foi à une protestante évangélique (darbyste) et que mes meilleures amies sont en grande majorité protestantes. Et je connais quelques pasteurs qui, n'ayant pas ce que je considère être la chance de pouvoir profiter de cette plénitude de la Révélation contenue dans l'Eglise catholique, sont pourtant plus proche du Christ que je ne l'ai jamais été.

 

Si le dialogue oecuménique patine aujourd'hui, c'est parce qu'à mon sens nous avons fait le tour d'un certain oecuménisme cherchant le plus petit dénominateur commun à tout prix, au risque de cacher d'un voile pudique tous les désaccords, toutes les aspérités.Cela donne des célébrations pleines de symboles mais sans grand intérêt. Les catholiques rentrent chez eux en restant convaincus que si les protestants étaient moins de mauvaise foi, ils cesseraient d'enlever du canon biblique tous les livres qui ne vont pas dans le sens de leur doctrine. Et les protestants, persuadés que si les cathos étaient moins ignares, ils liraient l'épître aux Hébreux ou aux Romains, et que tout à coup les écailles tomberaient de leurs yeux.

 

Or l'oecuménisme vrai – comme toute vraie rencontre d'ailleurs – présuppose au minimum de ne pas prendre l'interlocuteur pour un imbécile ou un ignorant. Cela suppose également de parler le même langage. Et donc qu'avant de se balancer à la tête qu'il faut baptiser enfant ou adulte, on comprenne que le baptême des enfants, chez beaucoup d'évangéliques, est aussi absurde que pourrait l'être la confirmation des nouveaux-nés chez les catholiques

 

Mais pour trouver un langage commun, encore faut-il être à l'aise dans sa langue maternelle. Et ma langue maternelle, c'est l'Eglise catholique, ses dogmes, sa liturgie, sa tradition, sa succession apostolique. C'est pour cela que, toute persuadée que je suis de l'importance cruciale de l'oecuménisme, en particulier dans un temps où les chrétiens sont menacés de se retrouver au musée des vieux trucs inutiles, je signe des deux mains l'initiative de Jean-Baptiste Fourtané, créateur du journal catho gratuit « L'1visible », qui a lancé sur Facebook une initiative qui mérite un peu mieux que les ricanements de circonstance. Parce qu'avant de faire l'unité de l'Eglise du Christ, il faut faire la sienne propre et affirmer ce que l'on est.

 

Pour la Saint-Barthélémy, ce soir, comme chaque année, ce sera barbecue avec mes amies protestantes pour changer des bûchers d'autrefois. Et nous ne craindrons pas de nous mettre les unes et les autres sur le grill de nos convictions, même si plus les années passent, plus je crois que l'oecuménisme, il passe davantage par le compagnonnage de chaque jour avec des proches que par des célébrations de bonne conscience avec des inconnus – puissent les dernières susciter les premières!

Partager cet article
Repost0
20 août 2011 6 20 /08 /août /2011 17:31

assurance-vie« Bonjour, bienvenue chez Machin Assurances. Entrez Monsieur ! Monsieur… ?

- Dieu.

- Entrez monsieur Dieu ! Que puis-je faire pour vous ?

- Je voudrais une assurance.

- C’est justement notre spécialité monsieur Dieu !  Multirisques ? Habitation ? Responsabilité civile ? Sinistres entreprises ?

- Heu… non. Sinistres entreprises, ce serait plutôt pour mon ancien subordonné, Lucifer. Non, je voudrais que vous me donniez une assurance.

- Vous savez, monsieur Dieu, ici, les assurances, on les vend. On ne les donne pas. Une assurance de quoi ?

- L’assurance que le monde que j’ai créé ne court pas à sa perte.

- Ah ! Je vois. Donc vous êtes entrepreneur… Ecoutez, dans votre cas ce serait une responsabilité civile du dirigeant. Vous êtes dirigeant de votre entreprise bien sûr ?

- Euh… c’est compliqué. En fait, je suis plutôt à son service. Tout en bas de l’échelle.

- Pas possible ! Pauvre Monsieur Dieu ! Il vous est arrivé la même chose qu’à Steve Jobs chez Apple si je comprends bien ? Trahi et éjecté du jour au lendemain ?

-Non, moi ils m’ont jeté en prison et crucifié.

-Incroyable ! On voit de ces choses de nos jours… Vous êtes encore dans l’organigramme ? Parce qu’on pourrait vous faire souscrire une responsabilité civile des mandataires sociaux ?

- En fait on est trois à l’être. Il y a mon fils, et puis un copain, un type assez surprenant, très… spirituel. Mais on s’entend très bien : à nous trois, on ne fait qu’un.

- Bon. RC des mandataires sociaux, c’est fait. En revanche, cela ne couvre que les dommages que vous causez à des tiers.

- Ah mais alors ça ne m’intéresse pas : je ne fais de mal à personne. Jamais.

- Comment ça, jamais ? Je vous trouve bien présomptueux, monsieur Dieu !

- Non, jamais. Pas même accidentellement. C’est un principe, chez moi.

- Voyons monsieur Dieu, c’est impossible. Vous n’êtes jamais à l’abri d’un accident qui coûterait la vie à un tiers. Et contre qui se retournerait la famille ? Contre vous. Excusez-moi, monsieur Dieu, mais je vous trouve un peu léger. J’ai lu minutieusement le détail de vos contentieux passés, et il y a de quoi remplir un ouvrage gros comme la Bible. Job, Salomon, David, Elie et tous ces gens, là, qui ne cessent depuis 3000 ans de vous accuser de tous les maux et de crier leur désespoir en vous demandant de faire cesser les injustices? Il paraît même que certains en ont fait un livre. Et je ne voudrais pas remuer le couteau dans la plaie, mais votre propre Fils aurait quelques raisons de vous en vouloir. Croyez-moi, vous avez bien besoin de cette responsabilité civile. Et les mensualités vont être énormes, pour peu qu’on parvienne à trouver quelqu’un qui veuille bien vous assurer.

Maintenant, voyons pour les sinistres dont vous seriez victime…

- Ah ça, je veux bien. J’en ai souvent, des sinistres.

- Avant de pouvoir vous assurer, il faut que je sache comment vous bossez, quelles mesures de sécurité vous prenez pour vous prémunir…

- Aucune.

- Aucune ?

- Aucune. En fait je suscite chez les gens une vocation selon leurs talents, et après je laisse faire.

-…

- Je sais, ça n’a pas l’air très professionnel…

- Et heu… ça marche ?

- Des fois oui, des fois non…

- Alors je résume : vous pariez sur les bonnes volontés pour faire tourner votre petit monde, et vous vous attendez à ce que l’on parie sur vous ? Monsieur Dieu, si j’osais une litote, je dirais que c’est incalculablement risqué cela ! En tout cas je suis formel, nous aurons le plus grand mal à vous assurer. Votre dossier est bourré de mauvais risques, même chez Lloyd’s ils ne voudront pas de vous ! Regardez un peu votre passif ! Ce Judas, là…

- Oh, un type en or ! Il avait tout pour réussir et…

-…Et l’appât du gain, et l’orgueil, on connait tout ça ! Ça a fait le tour du monde cette histoire ! C’est comme Adam et Eve… Je peux en parler, ce sont mes aïeux, c’est vous dire. Un beau gâchis… Vous leur donniez tout et ils voulaient encore plus… Si je peux me permettre, monsieur Dieu, vous choisissez bien mal vos collaborateurs.

- Pas toujours quand même…

- Bon. Je vais essayer de vous faire un contrat de type Tous Risques Sauf, mais je vous préviens, la liste des exceptions va être longue comme un jour sans pain.

- Ça me va… Il n’y a plus de jour sans Pain depuis que mon fils est ressuscité.

- Et ça va vous coûter les yeux de la tête…

- Oh vous savez, j’ai l’habitude de donner jusqu’à mon sang…

- Vous êtes bizarre monsieur Dieu… Mais je vous aime bien. Allez, je vous rappelle très vite. A bientôt ! »

Ce texte est dédié à un ami très cher qui reconnaîtra là une de nos conversations, et qui part pour Rome discerner sa vocation. Mes prières, mon admiration et mon amitié l’accompagnent.

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Nystagmus
  • : L'oeil d'une journaliste catholique dans le tourbillon de l'actu
  • Contact

En 140 signes

Recherche