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24 décembre 2010 5 24 /12 /décembre /2010 16:56

200705_champaigne_nativite.jpgCela fait plusieurs jours qu’elle voyage, au pas sans doute d’un âne, pour couvrir les quelques 150 kilomètres de Nazareth à Bethléem. Elle est enceinte. Le double sens de ce mot m’a toujours frappée. Comme si le fait de porter un enfant avait pour corollaire indispensable d’être entourée. Or cette femme-là, il n’y a pas grand monde autour d’elle. Il y a son mari Joseph, qui la porte de sa confiance et de son amour comme elle porte l’enfant de Dieu. Mais autour d’eux, personne.

Ce n’est pourtant pas faute de foule sur leur passage. Bethléem n’est qu’un village, mais un village où se pressent, en ces temps de recensement, à la fois toute la descendance de David, et tous les gens en transit qui passeront par Jérusalem toute proche. Une effervescence qui fait semble-t-il les affaires des hôteliers.

Qu’a-t-il de louche, ce couple dont le bébé va naître, pour que personne n’ait envers eux un simple geste d’humanité ? Qu’est-ce qui, dans leurs vêtements ou leur allure, dans une jeunesse peut-être déjà aussi suspecte alors qu’aujourd’hui, fait que les portes se ferment devant eux ? Toujours est-il que lorsque Marie commence le travail, personne ne leur offre ne serait-ce qu’un coin dans ce que l’évangéliste Luc appelle la salle commune. Personne ne s’inquiète de ce qu’une femme va accoucher dehors. De tous ces voyageurs qui sont là, fatigués, affairés, chacun dans ses soucis, le nez plongé dans sa propre vie au point de ne plus rien voir d’autre, pas un seul ne propose de céder sa place.

Peut-être n’est-ce pas cela. On peut voir aussi dans la discrétion de Marie et Joseph mettant Jésus au monde la marque de cet effacement exemplaire qui caractérise la sainteté. Cela aurait finalement quelque chose de rassurant, et de pas théologiquement faux, de se dire que Jésus, Dieu fait homme, qui a respecté l’humanité au point de laisser intacte la virginité de sa mère, n’a pas voulu déranger l’hôtelier du coin. Cette toute jeune femme accouchant seule avec son époux dans une étable, alors que des dizaines de gens passent sans s’arrêter, ce serait finalement dans l’ordre des choses.

Et mon Dieu, que c’est tentant de se dire cela en voyant dans nos rues tous ceux que l’on fait semblant  de ne pas voir. Comme nos aïeux à Bethléem, il y a quelques 2000 ans.

Mais au plus fort de cette indifférence et de cette marche du monde qui oublie sur le bas-côté le petit, le faible et le pauvre, le cri d’un enfant qui naît.

Un premier cri qui nous annonce l’irréductible solidarité, incarnée dans la chair d’un enfant, de Dieu avec le genre humain, comme le second cri, sur la croix, trente-trois ans plus tard, proclamera la fin de la mort. Et pas à cause de nos mérites, simplement par amour.

Joyeux Noël à toutes et à tous !

(et laissez-moi vous recommander les billets de Noël de Koztoujours sur son blog et de Pneumatis chez les Sacristains)

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20 décembre 2010 1 20 /12 /décembre /2010 21:07

accessible.jpgC’est sur Twitter, via l’excellent David Abiker, que j’ai pris connaissance de cet article que je vous recommande particulièrement. On y raconte comment un député UMP, Jean-François Chossy, veut faire amender la loi de février 2005 "pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées"afin de « favoriser l’accompagnement sexuel des personnes dépendantes ».

J’ai appris avec stupéfaction que cette proposition rencontrait non seulement la faveur d’associations telles Handicap International ou l’APF, mais aussi que des lois similaires existaient déjà en Suisse, en Allemagne ou aux Pays-Bas (le fameux retard français, souvenez-vous).

La bronca de plusieurs autres associations, notamment de femmes handicapées, me rassure un tout petit peu. Mais du coup je me suis prise à imaginer ce que pourrait dire une agence de presse, dans quelques années, si ce genre d’amendement était voté.

Cette dépêche est donc imaginaire, et par pitié, qu’elle veuille bien le rester.

Il y a un an, le Parlement votait l’inscription dans la constitution d’un Droit à la Sexualité Opposable

Paris - 21 avril 2018 – Une dizaine d’associations de Prestations Erotiques à la Personne ont fêté hier place de la Dignité à Paris (anciennement parvis Jean-Paul II) la modification, il y a un an, de la constitution de la Ve République inscrivant dans le marbre un droit opposable à la sexualité (DOALS).

Le 21 avril 2017, en effet, le Parlement français réuni en Congrès votait à une large majorité cette modification, qualifiée d’ « historique » par de nombreuses personnalités politiques et culturelles. « Cette date est un moment historique dans la reconnaissance des droits des personnes handicapées » avait alors déclaré le sous-secrétaire d’Etat aux droits à conquérir.

Dès 2008, en France, plusieurs associations de première importance – comme Handicap International, l’Association française des myopathies ou l’Association des paralysés de France s’étaient regroupées dans un collectif Handicaps et sexualités demandant « la mise en place de services d'accompagnement érotique et/ou sexuel » pour les personnes handicapées.

Voyant les sondages de plus en plus unanimes (jusqu’à 93% de Français favorables à ce que les personnes handicapées puissent avoir une vie sexuelle), les politiques se sont emparés du sujet. Dès la campagne de 2012, les principaux partis politiques français inscrivaient un « droit à des services sexuels » dans leurs programmes. Mais devant la force de la campagne « Services ou sévices ? » des associations d’opposants à cette mesure, le terme fut rapidement modifié pour devenir « Droit à des prestations érotiques personnalisées » (DADPEP).

Juste après l’élection présidentielle, la loi DADPEP fut symboliquement la première votée. Elle abolissait les lois sur le proxénétisme, créait un organisme chargé d’agréer les prestataires sexuels. Ces derniers se virent inscrits dans le Code de la santé publique comme« auxiliaires de santé publique », au même titre que les orthophonistes ou les infirmiers, et le prix de la prestation sexuelle conventionnée fut fixé à 100 euros remboursés à 80% par la sécurité sociale.

Devant les protestations d’associations de personnes âgées, disgracieuses, timides, acnéiques, impuissantes ou désagréables, qui attaquèrent l’Etat pour discrimination et gagnèrent, il fut décidé fin 2016 de procéder à la fameuse inscription dans la Constitution d’un droit, pour toute personne majeure ou mineure de plus de 15 ans, à une activité sexuelle, et à l’opposabilité de ce droit devant le refus des auxiliaires publics.

Là encore, alléchés par la mine d’emplois potentiels que cela représenterait, la plupart des politiques accompagnèrent la mesure avec enthousiasme. Et c’est à une majorité de 786 voix sur 925 que le parlement réuni en Congrès adopta la modification constitutionnelle.

L’inscription dans le marbre constitutionnel du Droit opposable à la Sexualité a toutefois rencontré certaines résistances.

Il y eut tout d’abord la révélation, par les associations de chômeurs, de cas de personnes radiées du pôle emploi pour avoir refusé à plusieurs reprises de devenir prestataires sexuels : la loi prévoit en effet qu’un chômeur ne peut refuser deux fois consécutives un emploi raisonnable.

Puis ce fut l’affaire Robert Martin, du nom de cet homme qui avait violé une prostituée, au prétexte qu’elle lui avait refusé ses services. L’affaire, portée devant la Cour européenne des droits de l’Homme, avait fait grand bruit : c’est cette affaire qui avait vu le droit à une vie sexuelle reconnu comme un droit humain imprescriptible. La prostituée avait par ailleurs été condamnée par diverses juridictions civiles et pénales pour refus de vente et discrimination.

D’autre part, la vision dans les journaux télévisés de réquisitions par la force publique, sur ordre des  préfets, de prestataires sexuels pour personnes malades ou handicapées ayant vu leur droit opposable à la sexualité reconnu par la commission de médiation ad hoc a heurté certaines associations féministes et de défense des droits de l’homme.

Enfin, en décembre dernier, de nombreuses arnaques à la Sécurité sociale ont été mises à jour. Il semble en effet que des prises en charge demandées pour des personnes handicapées aient finalement bénéficié à leurs tuteurs ou curateurs. Citons simplement l’exemple de cette maison de retraite accusée d’avoir facturé pour près de 200 000 euros de prestations sexuelles à la sécurité sociale, pour le bénéfice exclusif du personnel.

On compte aujourd’hui près de 15 000 prestataires sexuels agréés sur l’ensemble du territoire français. Les prestataires non agréés (autrefois appelés "prostitué(e)s") ont annoncé que 2019 serait "l'année de la fin de la discrimination entre travailleurs sexuels agréés et non-agréés".

 

Post-scriptum: si vous voulez discuter handicaps mais aussi fragilités avec des gens qui ne réduisent pas les personnes handicapées ou non à un ensemble de besoins à saisfaire, c'est par là

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11 décembre 2010 6 11 /12 /décembre /2010 10:13

a-clockwork-orange-1971.jpgLa lecture des nouvelles du monde recèle de véritables délices, décidément, ces jours-ci. Voilà-t-il pas en effet que l’AFP nous informe que la commission européenne s’indigne des « tests phallométriques » pratiqués par les autorités tchèquessur certains demandeurs d’asile. Diantre ! me suis-je dit à la lecture de ce titre accrocheur. Ne me dites pas que l’on mesure le kiki des messieurs et que l’on renvoie se faire buter dans leur pays ceux qui n’entrent pas dans la fière norme tchèque. Hé bien… si. Quasi.

Il s’agit en fait, et que le cerveau qui a imaginé cela soit célébré dans les siècles des siècles, de juger de la fiabilité des dires des demandeurs d’asile. Imaginons que vous soyez, au hasard, un Ougandais ou un Iranien homosexuel. Imaginons en outre que, fatigué de risquer la prison ou la mort à cause de votre tendance homophile, vous décidiez de demander l’asile à un pays à la législation plus clémente. Vous voici donc dans un centre de demandeurs d’asile en République tchèque. Vous remplissez des papiers. Arrive un(e) fonctionnaire.

 « Pourquoi demandez-vous asile chez nous ? »

- Parce que je suis homosexuel et donc menacé de mort dans mon pays »

- Mmhhh. Très bien, on va vérifier tout ça. »

On vous emmène donc dans une pièce munie d’un écran télé. On vérifie au préalable que le fait d’être entouré de policiers et d’un « sexologue professionnel » ne vous file pas une érection avant même le début du test, petit pervers. On vous demande donc de vous mettre, sinon nu (les sources d’information sont muettes là-dessus) du moins dans une tenue permettant de juger de l’érectilité de votre appendice. Flics et toubibs vaquent dans une ambiance très administrative, chacun à son occupation, les flics à la sécurité, les toubibs à votre virilité.

Sur l’écran de télévision, apparaît alors une séquence de film pornographique hétérosexuel. Votre mission est donc de ne pas bander. J’imagine bien entendu que le « sexologue professionnel » dispose de données précises et objectives sur le temps minimum requis de non-bandaison pour être classé définitivement comme homosexuel devant le spectacle réjouissant d’une demoiselle subissant les assauts de mâles en ayant l’air de trouver ça formidable.

La Commission européenne s’est donc indignée, et je m’indigne avec elle. Car en plus d’être surréalistement irrespectueuse, cette « procédure » est aberrante sur le plan de l’efficacité. Il existe en effet, je sais c’est incroyable, des êtres qui ne sont pas excités, même involontairement, par la pornographie. Il existe aussi, et cela semble difficile à penser pour les auteurs de cette mesure, des gens dont la sexualité ne peut se résumer à une tendance homosexuelle même si cette tendance est principale. Hé oui, la sexualité, c’est beaucoup plus compliqué que de bander ou pas devant un porno. Admettons en outre que vous ne soyez rien qu’un salaud de pauvre venu en Tchéquie pour ne pas crever de faim, pas homo pour deux sous, atteint de priapisme la plupart du temps et que le sexologue vous mette justement votre porno préféré. Sachant qu’on vous observe et que le résultat de ce test suffise à vous renvoyer à votre crevage de faim bien de chez vous, vous banderiez, vous ? Et les lesbiennes, alors ? On fait quoi ? On leur fait compulser le calendrier des Dieux du Stade avant de vérifier le taux hygrométrique dans leur culotte ?

Et pourquoi ne pas pousser le test plus loin? Un film, ça ne remplace pas une professionnelle assermentée, qui jurerait devant le tribunal administratif que non, monsieur le Juge, c'est juré, même mis en bouche, le pénis clandestin n'a pas frémi.

Abjecte mesure qui montre, au-delà du mépris des personnes, à quel point nos pays occidentaux sont démunis et désarmés devant l’afflux de réfugiés. Oui, la Commission européenne a eu la bonne réaction en demandant à la République tchèque de cesser ces pratiques dégradantes.

Une seule chose me titille dans la réaction de porte-parole de la commissaire en charge des affaires intérieures, Michele Cercone, du moins telle que rapportée par l’AFP que je me permets de citer ici : « Les autorités tchèques utilisent ces tests pour vérifier l'homosexualité des demandeurs d'asile en leur projetant des images pornographiques hétérosexuelles, a déploré la Commission.

"Cette pratique suscite des doutes quant à sa conformité avec les articles 4 et 7 de la Charte des droits fondamentaux (de l'UE) qui interdisent la tortures et les traitements dégradants", avertit la Commission. »

On ne sait dans ce contexte si c’est la pornographie qui est « une torture et un traitement dégradant » ou si c’est le fait de faire regarder de la pornographie hétéro à un homo.

Dans le cas de la première interprétation, la prise de conscience de la Commission européenne est un événement sans précédent dans la lutte contre un marché qui est effectivement un marché de la torture et des traitements dégradants, en particulier pour les femmes, et j’attends avec impatience de voir quelles mesures seront prises  pour protéger le bétail humain utilisé dans ces productions.

Dans la deuxième interprétation, la Commission s’indigne simplement que l’on ait osé présenter le mauvais produit au consommateur potentiel.

On parie ?

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9 décembre 2010 4 09 /12 /décembre /2010 21:21

eurovision96_VR.jpgDécidément, comme ne cessent de nous le clamer les tenants de la Modernité Décomplexée et Heureuse (MDH®), la France est en retard. C’est ce que je me disais fin 2006 en regardant ce numéro d’Envoyé spécial où l’on montrait comment certaines cliniques espagnoles pratiquaient l’avortement jusqu’à 8 mois de grossesse. Espagnols eux-mêmes sacrément en retard sur les Anglais, qui sans doute vexés de se voir coiffés au poteau de la MDH® par les Ibères, ripostaient un mois plus tard via le Collège Royal des obstétriciens et gynécologues britanniques, qui suggérait carrément l’avortement post-partum, avec cette logique imparable : « Pourquoi pensez-vous qu'on pourrait donner la mort à un bout du "conduit de la naissance" et non à l'autre ? » Ce foie jaune de législateur n’a pas eu les cojones de suivre cet avis éclairé. L’Anglais s’est donc rabattu, tout triste, sur le droit du travail qu’il a achevé de dépecer pour avoir une chance de rester dans la course.

C’était sans compter sur les Pays-Bas. Le Batave, on nous le crie à l’envi, est la quintessence sur pattes de la MDH®. Pensez, il est trop cool le Batave : il se déplace à vélo, fume de l’herbe qui fait rire en faisant des bisous aux gendarmes et met ses prostituées en vitrine, parce qu’au moins, là, on voit la marchandise vachement mieux que sous un réverbère pourri.

C’est donc au pays de la tulipe et du moulin qu’on a écrabouillé les velléités de course en tête des Espagnols et des Anglais, et ce dès 2004. Il s’agissait de proposer l’euthanasie, non pas pour les vieux ni les débiles, ce qui serait limite conservateur, mais pour les enfants. On vota donc, en Batavie, que l’enfant de moins de 12 ans trop malade ou handicapé pour rester digne (retenez bien ce mot, il est l’excuse de toutes les saloperies) pourrait être euthanasié s’il le souhaitait et que ses parents étaient d’accord MAIS aussi, et là on confine à l’indépassable, si l’enfant n’était pas d’accord. Ou si on ne sait pas trop vu qu’il ne peut pas parler. Prenez ça dans vos faces, ringard Anglais, has been Espagnol.

 

 Las ! Voilà que le Suisse, bien que légendairement lent et peu prompt à tenter quelque compétition européenne que ce soit – il a quand même laissé passer 4 éditions de l’Eurovision, c’est dire – s’est réveillé et a contemplé, du haut de ses cimes enneigées, l’état de l’avancée de la MDH® en Europe. Constatant avec un certain dépit qu’il lui serait difficile de faire plus que le Hollandais, qui peut désormais euthanasier de moins neuf mois à l’infini, il décida de faire dans le gore. C’est ainsi que sur les riantes rives du lac de Zurich, l’on vit prospérer l’association Dignitas (vous noterez que décidément le concept de dignité est très en vogue chez le tenant de la MDH®) qui, plutôt que de s’embêter à demander à des médecins de prescrire des barbituriques aux candidats au suicide (un médecin, c’est parfois un empêcheur de mourir en rond), sortit de sa boîte à idées le kit de suicide, comprenant du gaz (hélium) et un sac. Ensuite on allait dans des bagnoles planquées dans les bois filmer les candidats au suicide qui se mettaient la tête dans le sac et agonisaient durant de longues minutes. Les films étaient ensuite envoyés à la justice, afin que celle-ci constate qu’il n’y avait pas meurtre mais suicide.

Croyez-moi ou ne me croyez pas, mais il s’est trouvé des gens pour s’émouvoir et même s’indigner de zurich.jpgcette situation. Surtout quand on se rendit compte que Dignitas (je ne sais pas vous, mais je ne parviens pas à me lasser de ce nom) facturait l’hélium + le sac + l’accompagnement au fond des bois 300 francs suisses (soit 190 euros), les plus riches pouvant se payer le fameux pentobarbital beaucoup plus rapide et confortable au prix de 40 000 francs suisses (25000 euros). Et que les corps incinérés non réclamés étaient balancés dans le lac de Zurich (jolie photo ci-contre de quelques-unes des urnes retrouvées par des esprits chagrins).

Vous conviendrez qu’avec de tels champions, le petit débat ridicule de la France sur les cellules souches embryonnaires fait rigoler la MDH® tout entière. On avait pourtant cru qu’on pourrait être champions, et ce dès 1989, avec l’arrêt Perruche, qui reconnaissait enfin – mais comment avait-on pu vivre en harmonie avant – un préjudice d’être né. Las ! Comme pour les Britanniques et leur avortement post-partum, ce foie jaune de législateur, tout ça tout ça etc.

Heureusement que nous avons les Belges, qui sont comme chacun sait des Français qui mangent des frites en buvant de la bière. Un tribunal belge vient de rendre un verdict qui sauve l’honneur de la MDH® francophone. La cour d'appel de Bruxelles a en effet condamné un hôpital à indemniser des parents au nom de leur fille dont le handicap n'avait pas été détecté lors du diagnostic prénatal. Ils ont estimé que la fillette, née trisomique et lourdement handicapée, avait subi un préjudice indemnisable à hauteur de 30 euros par jour de vie.

Triste mais banal ? Pas tant que ça. Les juges ont en effet estimé que le préjudice, pour les parents (vu que la petite fille est morte en mars dernier à l’âge de 11 ans), était à la fois d’ordre moral… et esthétique.

Vous avez bien lu, esthétique.

Je vous laisse, je vais vomir.

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8 décembre 2010 3 08 /12 /décembre /2010 10:58

image002.pngIl est rassurant de constater qu’à l’heure où la publicité nous inonde de messages parfois franchement limites, à l’heure où le Bureau de vérification de la Publicité n’interdit les messages publicitaires dégradants que lorsqu’il lui faut manifester qu’il existe toujours, il existe des patrons de presse responsables, prêts à braver l’opinion publique et la pensée unique, à faire fi des conséquences financières pour leur journal afin de défendre leurs lecteurs contre l’offensive  antilaïque des forces de l’Empire du Mal de l’Eglise catholique.

 

C’est en effet un coup de chapeau bien bas que Nystagmus tire aujourd’hui à 20 minutes, édition de Lyon. L’histoire tient en quelques lignes : grâce à un généreux mécène, 4 pages de publicité avaient été achetées par le diocèse de Lyon dans l’édition de ce 8 décembre. 4 pages que vous ne verrez pas dans le journal de ce matin, puisqu’au dernier moment, à 20h30 hier soir, la direction de 20 Minutes a décidé de les annuler purement et simplement.

Vous le savez ou pas, le 8 décembre dans le calendrier romain marque la fête de l’Immaculée Conception. Et à Lyon, cette fête est tout à fait particulière : depuis un siècle et demi, les Lyonnais ont pris l’habitude de mettre ce soir-là à leurs fenêtres de petites bougies afin de marquer leur reconnaissance à Marie, qui les aurait protégés du choléra. La tradition a perduré jusqu’à nos jours, et a même été récupérée de façon plus ou moins réussie selon les années par la mairie de la ville, qui en a fait un événement d’envergure internationale, en invitant des artistes du monde entier à illuminer les façades des bâtiments de la ville.

Autre particularité lyonnaise, l’Eglise y a comme dans nulle autre ville française un poids encore important. Par exemple, le maire (pourtant franc-maçon) et tous les élus, quelle que soit leur étiquette politique , assistent chaque année à une autre tradition locale, le renouvellement du Vœu des Echevins. Lyon, en tant que capitale française du catholicisme (son évêque est le primat des Gaules) reste une véritable citadelle du catholicisme, et peu d’élus peuvent se passer du réservoir de voix que constituent les cathos, laïcs, clercs et congrégations qui vivent ici. La laïcité y est donc appliquée d’une façon beaucoup plus apaisée qu’ailleurs, et cela ne profite pas qu’aux seuls catholiques.

Mais de tout cela, 20 Minutes n’en a cure. L’édition lyonnaise du titre gratuit a donc accepté l’argent du diocèse et les pages de publicité, avec on l’imagine une certaine reconnaissance, vu la situation financière du journal. Et puis, tout à coup, patatras ! Un pointilleux laïciste de la régie publicitaire, estimant sans doute que son canard gratuit avait délégation de service public, a remarqué – tenez-vous bien et éloignez les enfants s’il vous plaît- que dans ces pages de publicité il y avait... une prière. Oui, vous avez bien lu. Ces salauds de cathos ont osé. Dans un journal sérieux, essayer de mettre un douce un Je vous salue Marie. Ils ont failli y arriver.

Conscients plus encore que s’il avait été croyant du pouvoir démesuré du Je vous salue Marie, notre courageux laïciste a donc décroché son téléphone, et téléphoné au diocèse de Lyon, en leur expliquant que hein, bon, à 20 minutes on respecte et tout et tout, mais heu, comment dire, si vous pouviez juste enlever ce truc, là, qui fait peur au milieu, quand même, ce serait cool. Le diocèse a répondu qu’il refusait de renoncer à Marie. 20 minutes a donc renoncé à diffuser la publicité incriminée.

Que l’on soit bien d’accord : 20 Minutes est un journal privé, qui fait ce qu’il veut et accepte ou refuse l’argent des annonceurs comme il l’entend. Mais cette panique à 20h30 hier soir, alors que les 4 pages avaient été livrées la semaine d'avant, est ridicule, et les explications embrouillées du journal seraient comiques si elles n’étaient si tristes : selon nos informations en effet, les responsables se sont barricadés derrière une ligne de conduite éthique selon laquelle « la régie ne prend aucune publicité ni politique, ni religieuse ». On a des principes moraux à 20 minutes. Le cul, oui, le culte, non. Il faut croire que les pubs pour la viande hallal n’entrent donc pas dans le  cadre de cette éthique… ni même la dernière campagne pour le denier de l’Eglise, pourtant acceptée sans problème par le même journal. On chuchote même selon de bonnes sources que la décision finale a dû être prise au plus haut niveau du quotidien, à Paris.

L’incident, me direz-vous, n’a pas grande importance. Il montre juste deux choses :

1/ La laïcité à la française se durcit, et cette histoire n’est qu’un épisode de plus dans une montée de ce qu’il faut bien appeler au minimum l’incompréhension totale du fait religieux, au maximum l’intolérance à ce même fait.

2/ La prière, c’est tellement fort, tellement puissant que même ceux qui n’y croient pas la redoutent. Quand Mamon recule devant Marie, j’y vois un hommage de la plus belle espèce à la grandeur  de la prière. Merci 20 Minutes.

 

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20 novembre 2010 6 20 /11 /novembre /2010 10:42

Muhammad-Aslam-Khaki-1.jpgAlors que le massacre de chrétiens se poursuit en toute impunité au Pakistan, comme on peut le voir ici, qu’une autre chrétienne, Martha Bibi, attend son jugement, Nystagmus vous propose de faire plus ample connaissance avec un homme particulièrement courageux. Vous vous souvenez peut-être de Mgr Timotheus Nasir, primat presbytérien du Pakistan, qui défend la cause des chrétiens au péril de sa vie. Et ils sont nombreux, parmi les prêtres et les pasteurs chrétiens, à clamer haut et fort que la loi anti-blasphème est une honte. Mais, pourrait-on dire, c’est un peu leur boulot – d’abord parce qu’il est du devoir du chrétien de se dresser contre l’injustice, ensuite et surtout peut-être parce qu’ils sont directement concernés – ce qui n’enlève rien à leur courage bien entendu.

Mais dans ce combat contre l’intégrisme, ils ne sont pas seuls. Des musulmans aussi se battent contre cette loi, et leur combat mérite d’autant plus d’être salué. Laissez-moi vous présenter l’un de ces justes.

Il s’appelle Muhammad Aslam Khaki. Cet été, lors de l’affaire des deux frères chrétiens relaxés dans leur procès pour blasphème et assassinés à la sortie du tribunal, cet influent avocat musulman, professeur d’université, avait déjà protesté vigoureusement contre un tel déni de justice : “Nous condamnons ouvertement la violence. Personne ne peut se faire justice seul : c’est un principe essentiel dans un état de droit. Les deux chrétiens par ailleurs étaient innocents et le tribunal les avait disculpés. Ces évènements sont une atteinte à la loi et au respect des droits de l’homme sur lesquels le Pakistan doit veiller”, avait-il alors déclaré à l’agence Fides, demandant à ce que la loi anti-blasphème soit abrogée.

Cette déclaration, qui lui avait valu bien des menaces, n’était pas la première du genre, loin s’en faut. Et le Dr. Aslam Khaki ne s’en est pas tenu à ces seules déclarations : à plusieurs reprises, il a assuré la défense de chrétiens accusés de blasphème. Sa particularité ? Il est spécialiste de la Charia. Et c’est avec les arguments de la Charia qu’il parvient à faire libérer ceux qu’il défend.

On l’a vu par exemple lors de ce procès où des accusés convaincus d’avoir consommé de l’alcool ont été relaxés en deuxième instance par la Cour islamique, au motif que les 40 coups de fouet auxquels ils étaient condamnés n’étaient pas en conformité avec la loi islamique. Ou encore, lorsqu’il a défendu le droit pour des prisonniers d’obtenir des visites conjugales.

Prisonniers, consommateurs d’alcool, chrétiens, mais aussi hijras, ces eunuques pakistanais, vestiges d’une culture pré-islamique et pauvres parmi les pauvres, puisque aujourd’hui voués à tous les tourments (viols, tabassages, prostitution, etc.) sans que cela ne trouble la majorité. « On m’accuse de protéger la culture gaie, dit-il. Mais je ne fais que protéger ces gens de la culture policière du viol et de la torture. » En décembre 2009, il obtient de la Cour suprême – chose inimaginable dans cette République islamique – qu’elle ordonne au gouvernement de créer un troisième genre pour les hijras sur leurs papiers d’identité, et qu’elle ordonne des mesures de protection concrètes pour eux.  Au-delà de ce symbole, ce coup d’éclat aura permis que les journalistes pakistanais soient désormais à l’affût de toute histoire de viol de hijra, ce qui les protège un minimum, ainsi que M. Aslam Khaki l’explique dans ce saisissant reportage en français.

En 2000, il assure la défense du médecin athée Muhammed Younus Shaikh, qui osa cette déclaration pourtant prudente : « Le Prophète n’a été musulman qu'à partir de 40 ans ». Cette phrase somme toute plutôt banale lui a valu la condamnation à mort. En 2003, la cour suprême finira par l’acquitter ; il s’est depuis exilé en Europe.

En 2003, c’est contre l’instauration de la Charia dans la province frontalière du Nord-Ouest que M. Aslam Khaki se dresse, arguant que les tribunaux de province n’ont pas légitimité pour instaurer une justice différente de l’Etat. Mais son coup d’éclat demeure d’avoir menacé, et l’initiative ne manque ni d’ironie ni de panache, le gouvernement pakistanais lui-même de poursuites pour… blasphème.

L’affaire n’est pas anecdotique et montre bien à quel point le Dr. Aslam Khaki a fait une priorité absolue de la défense des droits fondamentaux de tous. En 2007, le président d’alors, le général Pervez Musharraf, promulgue une Ordonnance de réconciliation nationale (NRO) visant à amnistier ou à exempter de poursuites futures tout fonctionnaire impliqué de près ou de loin dans des affaires de corruption, violences ou même assassinats politiques. Une ordonnance qui protège l’ex-présidente du Pakistan, Bénazir Bhutto, mais également le président actuel, Asif Ali Zardari, et qui est à l’origine d’une crise politique qui perdure encore. Cette ordonnance voulue par le tuteur américain permettait au Pakistan de faire rentrer d’exil Mme Bhutto, de lui permettre de fonder un parti « d’opposition » histoire de faire apparaître le Pakistan comme démocratique, et tout le monde était content : Musharraf restait président, Bhutto pouvait rentrer, et les Américains apparaissaient comme les soutiens d’une véritable démocratie.

Parmi les voix qui se sont élevées contre ce déni absolu de justice, on retrouve donc notre Dr. Aslam Khaki. Et son argument ne manque pas de sel : puisque le Président de la République a osé comparer la NRO à la Constitution de Médine, qui consacra l’alliance du Prophète avec les juifs et les chrétiens, il a blasphémé ; qu’il retire donc la NRO ou bien il sera poursuivi.

 

Muhammad Aslam Khaki n’est pas le seul musulman à lutter, au Pakistan même, contre la loi anti-mohammad-farooq-khanblasphème, même si ceux qui l’accompagnent sont de plus en plus menacés . Le 14 octobre dernier, Mohammad Farooq Khan, psychiatre, vice-chancelier à l’Université islamique de Swat, était assassiné par deux hommes qui se sont fait passer pour des patients. Les autorités chrétiennes du pays ont unanimement salué un « humaniste, un défendeur de la dignité de tout être humain ». Mais il semble que l’affaire d’Asia Bibi (voir note précédente) ait réveillé les consciences : de nouvelles voix s’élèvent, jour après jour, dans la communauté musulmane, pour demander l’abrogation de la loi anti-blasphème et la protection des minorités.

 

DERNIERE MINUTE: on apprend ce samedi à 16h30 heure française sur le blog du British Pakistani Christian Association la libération prochaine d'Asia Bibi. La mobilisation des Pakistanais soucieux de justice et la pression internationale payent!

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11 novembre 2010 4 11 /11 /novembre /2010 18:42

AsiaBibi.jpgPuisque la loi anti-blasphème au Pakistan n’a toujours pas été abrogée, je vous propose de poursuivre la macabre chronique débutée voici quelques mois sur ce blog du décompte des victimes de cette loi.

Voici Asia Bibi, 37 ans. Son mari Ashiq et leurs enfants sont sur la photo un peu plus bas dans ce billet.. Le village où elle vivait, Ittanwali, est un village de 1500 familles dont 3 seulement sont restées chrétiennes – les autres, lassées des persécutions quotidiennes, se sont converties à l’Islam.

Autant dire que la vie est plutôt compliquée pour ces trois familles. Trop peu nombreuses pour fonctionner en ghetto (pardon, en autarcie) comme c’est le cas des communautés chrétiennes plus importantes dans les grandes villes, elles vivent  sans cesse au contact des musulmans avec lesquels cela se passe plus ou moins bien.

Asia, elle, travaille comme beaucoup de femmes du village pour un gros propriétaire terrien, Muhammad Idrees. Et chaque jour, les autres femmes la harcèlent pour qu’elle se convertisse.

Ce jour-là – le 19 juin dernier – la pression se fait particulièrement importante. On demande à Asia d’aller chercher de l’eau, car les travailleuses ont soif. Elle s’exécute, mais quand elle revient une partie de ses collègues refuse de toucher à l’eau qu’elle a rapporté ; eau devenue, selon elles, impure au contact de la chrétienne.

S’ensuit une discussion animée entre les femmes d’une part, et Asia de l’autre. Et devant l’insistance de ses collègues, Asia  finit par dire « Christ had died on the cross for our sins. What Mohammed had done for them ? (« le Christ est mort pour nos péchés, qu’a fait Mahomet pour nous en délivrer? »). La réponse jette les musulmanes dans une colère noire. Elles commencent à tabasser Asia, puis les hommes du village arrivent, l’enferment dans une pièce, vont chercher les autorités religieuses du village et commencent à élaborer une punition pour la blasphématrice : on décide de lui noircir le visage et de la promener au milieu de la foule en colère sur un âne – autant dire la faire lyncher. Selon l’association Release International qui a recensé les témoignages, un groupe d’hommes dont des religieux musulmans l’a violée et a tabassé ses enfants (« a mob formed and Asia was violently abused by Muslim villagers and clerics. Her children were also beaten »).

Alertés par les chrétiens du village, les policiers sont intervenus… pour arrêter Asia, malgré les supplications de sa famille, arguant qu’ils ne pouvaient passer sous silence de si graves accusations de blasphème.   C’est cette plainte qui vaut aujourd’hui à Asia l’honneur d’être la première femme condamnée à mort du Pakistan (sa famille doit par ailleurs s’acquitter d’une amende de 700 livres, c’est-à-dire 2 ans et demi du salaire moyen d’un travailleur pakistanais).AB_Family.jpg

En France, la nouvelle a été relayée par la presse plus que d’habitude. C’est le Figaro qui a ouvert le bal avec cet article de Thomas Vampouille, qui passe sous silence les détails les plus trash mais reste fidèle à la vérité. En revanche,  l’AFP a pris le relais sous l’angle « actualité européenne » puisque le ministre italien des Affaires étrangères, de passage à Islmabad, a plaidé en faveur de la jeune femme. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on a l’impression à la lecture de la dépêche que, si la sentence de mort est regrettable, les choses ont été faites dans le respect du droit : « L'affaire remonte à juin 2009, lorsque des femmes, musulmanes, qui travaillaient avec Asia Bibi sont allées voir un responsable religieux en accusant la chrétienne d'avoir blasphémé le prophète Mahomet. Le mollah est ensuite allé voir la police, qui a ouvert une enquête. »

Une version pour le moins édulcorée de l’affaire, vous en conviendrez.

Asia aura-t-elle la chance de Sakineh, d’obtenir une mobilisation internationale ? Probablement pas. On se perd en conjectures sur le pourquoi. Est-ce parce qu’Asia n’est pas adultère, ce qui apparemment semble bien romantique à certains de ses défenseurs (on se souvient du « condamnée parce que vous avez aimé » de Carla Bruni) et que le Pakistan n’est pas le Grand Epouvantail européen, contrairement à l’Iran ? Est-ce parce qu’elle sera pendue et non lapidée, ce qui est moins vendeur, il faut le reconnaître ? Ou est-ce parce que notre capacité d’indignation, à nous autres Occidentaux, nous empêche de compatir à plus de 1000 kilomètres de chez nous ?

Je l’ignore. Mais je rafraîchis régulièrement depuis 48h que la sentence a été prononcée la page d’accueil d’Amnesty International et d’Amnesty France. Toujours rien.

Alors je vous laisse en guise de conclusion cette image, prise ce matin à la marche pour la paix des Chaldéens de Lyon, qui en connaissent eux aussi un rayon en matière de persécutions : une banderole avec ces quelques mots : « Donnez-nous la paix, nous vous donnerons des merveilles ». Puisse ce cri d'espoir des chrétiens persécutés être entendu et Asia rendue aux siens.

chaldeens.JPG

 

 

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1 octobre 2010 5 01 /10 /octobre /2010 08:04

Jesus_Christ_Superstar.jpg

Ma chère tante,

L’idée de cette lettre m’est venue en lisant cette réaction aussi outrée qu’outrancière sur le billet de mon ami Chafouin chez les Sacristains. Et comme le prologue du dernier  livre de Jean-Pierre Denis m’a beaucoup amusée(tu peux le lire ici), j’en ai pastiché le titre

Je t’ai croisée aux Etats généraux du christianisme. Tu étais venue assister au débat (d’excellente qualité par ailleurs) entre Xavier Lacroix et Pascal Bruckner sur le couple. Avec un groupe d’amis, tu observais l’assemblée nombreuse et, remarquant la majorité de têtes grisonnantes, blanches ou teintes, tu demandais, mi-gouailleuse mi-intriguée, à ton voisin : « C’est bien beau, mais ils sont où, les jeunes ? »

Je te rassure : s’ils n’étaient pas là les jeudi et vendredi, ils vinrent le samedi, et lors de la Nuit du christianisme ils étaient nombreux. Mais c’est une réflexion que tu t’es probablement déjà faite dans ta paroisse, comme je me la suis faite dans la mienne, pourtant fort pourvue en jeunes familles nombreuses et idéalement placée à côté d’une immense résidence universitaire : le jour où les têtes chenues auront disparu, combien serons-nous autour de l’autel ?

« Ils sont où, les jeunes ? » Il n’y a pas que dans l’Eglise, finalement, qu’on entend cette même question, sur ce même mode mi-paternaliste mi-inquiet. Syndicats, associations, partis politiques, même les francs-maçons, à ce que j’entends dire, sont à la recherche de sang neuf. Mais le fait que la tendance soit très probablement générale n’enlève rien à la question que toi et moi nous posons : où est-elle, l’Eglise de demain ?

Pour tenter de répondre à cette question, il me faut partir de ton enfance à toi.

Vois-tu ma tante, quand je rentre dans un confessionnal, je ne me revois pas enfant, âgée de six ou sept ans, à ma séance d’examen de conscience hebdomadaire et obligatoire, ma liste de péchés plus ou moins cochée sous le bras et la mort dans l’âme. Je n’ai pas vécu tes traumatismes, et je vois un lieu et un rite dont j’ai découvert il n’y a pas si longtemps qu’ils pouvaient encore servir malgré leur relégation dans le fond poussiéreux de la sacristie et durant les grandes fêtes.

Toi, dans les grandes bâtisses de bois et de béton que tu as investies avec ferveur, tu as banni les bancs à prie-Dieu, frissonnant encore des cals aux genoux hérités de l’école des Ursulines . Moi qui aimerais bien m’agenouiller durant la consécration, à la messe, il me faut le faire sur ces fameuses dalles de ciment incrustées de galets chères aux imitateurs de Le Corbusier, mosaïques modernes que je ne comprends pas.

Toi, quand tu entends un chant en latin, tu revis intensément le long ennui de tes dimanches arides, à devoir rester immobile et affamée durant plus d’une heure à écouter un prêtre en chasuble marmonner en te tournant le dos. Moi, quand j’entends certains chants de l’école Gianadda/Akepsimas, je revois les interminables soirées bol-de-riz de carême où l’on m’expliquait que ne pas finir mon assiette serait probablement la cause de la prochaine famine au Sahel.

Toi que ton enfance corsetée a marquée à jamais de la culpabilité liée au plaisir, tu cherches avec frénésie dans le bouddhisme zen et le hata-yoga – issus de cultures pauvres, donc forcément authentiques - de quoi prier avec ton corps. Moi, je découvre avec le sentiment d’avoir été flouée de mon héritage l’intensité toute physique du plain-chant.

En même temps, je te dois beaucoup, ma tante. Grâce à toi, j’ai acquis un solide sens de la fraternité humaine, et encore aujourd’hui cela me nourrit. J’aurais juste voulu entendre parler un peu plus de Dieu avant d’apprendre à Le voir dans mon prochain. Je ne renie pas mon héritage, je réclame juste un droit d’inventaire légitime.

Et je suis un peu étonnée. Toi qui as révolutionné l’éducation afin que mon esprit critique en devienne le centre, toi qui me demandais de penser par moi-même, toi qui as passé ta vie à combattre toute pensée unique ou vécue comme telle, tu t’insurges de ce que je veuille faire le tri dans ce que tu me laisseras. Mais tu sais, ma tante, entonner  « Je crois en Dieu qui chante et qui fait chanter la vie », ça te parlait à toi dont les lendemains seraient forcément à l’unisson. Peut-être ma fille redécouvrira-t-elle avec ravissement la spiritualité que recouvrent ces vers ; moi, à l’heure de la grande crise, de la fin des idéologies et de l’esclavage généralisé à Mammon, j’ai juste envie de dire gravement « Credo in unum Deum ».

Je n’y peux rien, j’ai au moins autant besoin de verticalité que d’horizontalité. De m’agenouiller en recevant la communion que de prendre la main de l’inconnu à côté de moi durant le Notre père

Et ce qui m’agace un tout petit peu, ma chère tante que j’aime, ce qui me chagrine et pour tout dire me préoccupe, c’est que j’ai la nette impression que cela t’est insupportable. Tu constates que l’église de la paroisse est vide de cheveux non gris, mais plutôt que de proposer aux jeunes une nuit d’adoration continue, un kyrie sans djembé ou pourquoi pas un car pour le pélé de Chartres, tu regardes avec un demi-sourire la fraternité Saint Pierre ou la communauté du Verbe de Vie recruter à tour de bras, en disant : « y’en a beaucoup qui entrent, mais beaucoup en sortiront… » Peut-être, je n’en sais rien. Mais si certains quittent ces tribus-là, je ne suis pas sûre que ce soit pour rejoindre ta paroisse, ma tante. Et je te ferai grâce de l’hémorragie de prêtres défroqués dans les années 70-80.

Puisque nous en sommes à nous parler franchement, veux-tu que je te dise ? Tes combats ne sont pas les miens. Tu reçois le bulletin de la Conférence des baptisé-e-s de France ? Moi je me demande ce qui fonde cette association, par ailleurs composée de gens estimables, à parler en mon nom. Parce que je ne comprends même pas leurs revendications. Le mariage des prêtres, le ministère des femmes ? Je ne vois même pas pourquoi il faudrait que je me positionne tant je trouve que le débat n’est pas là. Mais c’est un syndrome de ta génération, ma tante : à force de ne pas vouloir passer, à force de vouloir absolument régler l’ordre et la teneur des débats que l’on peut ou pas avoir, toi qui as décrété que tu serais jeune jusqu’à ta mort, tu verrouilles ce que tu rêves être l’Eglise de demain. Je voudrais que l’Eglise nous donne un grand texte magistériel sur l’Islam? Tu décrètes que l’urgence, c’est d’ordonner les hommes mariés. Je demande à parler liturgie? Tu as décidé que le débat, c’est savoir si Mgr Vingt-Trois est mysogyne, pour une boutade qui franchement ne m’a même pas écorché le lobe de l’oreille.

L’Eglise de demain, elle est bel et bien déjà là. Mais elle n’est pas le grand soir catho que tu attendais. Elle veut du sacré, de la transcendance, parce qu’elle a un vécu différent du tien. Tu peux la traiter de réac, voire de facho – ça s’est vu – mais il serait dommage que, parce que la liturgie m’importe, tu dresses un mur d’incompréhension de plus entre nous. Au ciel, François d’Assise fraternise avec Louis-Marie Grignon de Montfort, Frédéric Ozanam avec Bernadette Soubirous ; l’option préférentielle pour les pauvres a de beaux canonisés, mais la récitation du chapelet aussi ;  on devrait pouvoir, toi et moi, cohabiter, et pourquoi pas prier ensemble.

Je te fais de gros bisous, ma tante. A très vite.

 

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24 août 2010 2 24 /08 /août /2010 21:31

2298318-3211723.jpgSincèrement, je pense être assez bonne catholique. Mon confesseur vous le dira : outre que je fais rigoureusement appel à lui au moins quatre fois par an, que j’assiste ponctuellement à la messe, je ne l’ai jamais vu blêmir en entendant ma liste de péchés ; et le plus gros que j’aie eu à confesser, celui qui m’a fait faire le tour de l’église au moins six fois avant de me décider à entrer, ne m’a valu que trois Ave et trois Notre Père. C’est dire, nonobstant l’indulgence toute paternelle dudit confesseur, que les portes du Ciel, dans des conditions pareilles, c’est du tout cuit.

Civiquement, c’est un peu pareil. J’ai toujours ressenti avec une acuité particulière l’honneur qu’il y a à être citoyenne d’un pays comme la France, avec une histoire familiale dont il fallait être digne. Descendante de ce bourgeois épris de liberté à l’origine du Serment du Jeu de Paume qui rédigea, avec Mirabeau, la première Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.  Petite-fille de gens qui, au nom de leurs convictions chrétiennes, ont obtenu à la Libération la grâce de l’homme qui avait fait tuer leur enfant résistant. Chaque fois que je vote, je voudrais que l’assesseur fût pénétré de la même solennité que moi – ce qui, je le concède, allongerait considérablement le temps d’attente, même en ces temps d’abstention massive ; je répugne à faire supporter à la collectivité les dépenses de santé dont mon barème personnel, plus tatillon encore que celui de la CPAM, juge qu’elles ne sont pas vitales ; les rares fois où j’ai payé l’impôt sur le revenu, j’en ai fait un gonflement d’orgueil phénoménal, et je ne me suis décidée à profiter de ma niche fiscale de journaliste que le jour où il a bien fallu faire vivre mes enfants.   

Bref, pour faire court, je me retrouve pleinement dans la figure du jeune homme riche (Matthieu 19, 16-22) : pour « être sauvée », comme il dit, il ne me reste plus guère qu’à faire le grand saut les yeux bandés et sans parachute dans l’abandon au Christ. Autant vous dire que malgré toute ma bonne volonté, c’est pas tous les jours pour demain.

Et puis survient l’affaire des Roms. Et nous voilà, moi et ma bonne conscience, bien embarrassées. Des Roms je ne connais guère que la jeune femme qui fait la manche devant Saint-Jean à Lyon, le matin, et qui tient dans ses bras un garçon qui a l’âge du mien. C’est elle qui a engagé une conversation fragile que nous poursuivons chaque fois que je passe devant la cathédrale, et qui consiste à nous donner des nouvelles de nos petits respectifs. Cela ne dure pas plus d’une minute, je ne connais pas son nom ni elle le mien, nous avons en revanche partagé le prénom de nos fils. Ces instants dignes du Prince et du pauvre, nous les avons tous vécu ; lorsque nous nous rassurons à peu de frais sur nos capacités d’humanité, avant d’être submergés par, en vrac, la géopolitique, la peur de mal faire, l’instinct de conservation, l’envie de ne pas voir.

C’est dans ces moments-là que j’aime que mon Eglise prenne position. Moi, cela m’aide. Parce que le catholicisme n’est pas seulement une contre-culture, comme l’explique brillamment Jean-Pierre Denis dans son dernier ouvrage, à paraître ces jours prochains. C’est aussi une contre-nature. Parce que si, originellement, avant le fruit défendu, ma nature était aimante, elle a depuis été « défigurée par le péché », selon la formule catéchétique. Et ma nature défigurée, elle aime bien le christianisme jusqu’à une certaine limite. Je fais comme tout le monde : je tournerais bien dans ma vie de foi avec les mêmes quelques textes bibliques, ceux qui m’arrangent ou mieux, ceux dont je me dit que décidément, Dieu pense fort bien puisqu’il pense comme moi.

Prenez Matthieu 25, par exemple. Vous savez, ce magnifique discours eschatologique où il recadre en quelques péricopes tous ceux qui voudront le suivre à travers les siècles : « Ce que vous faites à ces plus petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous le faites ». On peut tourner et retourner mille fois dans tous les sens le truc, rien à faire, nulle part il n’est écrit « ces plus petits sympathiques qui sont mes frères, les plus petits antipathiques n’en faisant évidemment pas partie » : c’est le Christ qui mendie à la sortie de la cathédrale Saint-Jean de Lyon, point.

Et les différents responsables religieux qui se sont exprimés, du pape aux évêques, n’ont pas dit autre chose. Ni qu’il fallait accueillir toute la misère du monde, ni qu’il n’y avait aucun problème de délinquance. Simplement que le Christ est un Rom aujourd’hui. Et que le Christ, on lui pète pas sa caravane avant de le lâcher dans un charter sans se préoccuper de ce qu’il deviendra. On ne le stigmatise pas parce qu’il est Rom, on cherche à travailler avec les autorités du pays dont il vient pour qu’il ait une vie décente là-bas, et tant qu’il est chez nous, on le traite avec décence.

C’est d’une violence immense, en tout cas pour moi, que d’accepter cela. Parce que soyons clairs : il y a des gens comme le père Pic qui ont une foi telle qu’ils le voient au premier coup d’œil, le Christ dans le Rom. Moi pas. Si je n’ai pas le Christ qui me gêne tel un caillou dans la chaussure sur la route toute tracée de ma petite vie ni pire ni meilleure que la moyenne, je n’y arrive pas.

Mais je vais essayer de mieux faire.

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26 juillet 2010 1 26 /07 /juillet /2010 15:43

Photo: Joaquim Dassonville pour la revue Mission

tziganes_2007.jpgL’été, le saviez-vous, est aussi la saison des marronniers. Dès les premiers rayons de soleil, voilà que les régimes miracles s’empilent dans les kiosques, tandis que les dermatologues peaufinent leur discours sur le capital solaire. Et quelque part entre « les filières courtes qui décrochent les bons jobs » et les soldes, il n’est pas un journal local qui ne titre sur Vie et Lumière, la mission évangélique des Tsiganes.

 

Alors je profite de ce que mes estimés amis Pierre-Baptiste Cordier et Henrik Lindell aient porté à ma connaissance le texte de la Fédération protestante de France sur les Tsiganes pour vous parler plus particulièrement de la moitié d'entre eux: les Tsiganes évangéliques.

Un trait significatif de la méconnaissance profonde de beaucoup pour ces concitoyens-là tient en un mot : évangéliste. Une bonne part de la presse quotidienne régionale patine : le Midi Libre, que ce soit dans sont édition de Montpellier ou de Bagnols, La Provence, La Dépêche, Le Dauphiné Libéré,  L’Union. Car ces gitans sont évangéli-ques, et non évangéli-stes. Et j'y apprends également, un poil étonnée tout de même, que le dimanche, ils vont à la messe et non au culte. Détails ? Pas tant que ça. Outre que personnellement ça me gonflerait assez de m’entendre appeler catholiste quand je suis catholique et que l'on appelle bonze mon curé, ma maman m’a toujours répété que « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement » - j’ai appris bien des années plus tard qu’elle avait plagié Boileau. Cela dit, on peut compliquer un peu les choses, juste pour sourire : certains sont en même temps évangéli-stes, c’est-à-dire qu’ils ont dans leur église un ministère bien précis d’annonce de la Bonne Nouvelle, ministère qui cohabite avec le ministère de pasteur, d’ancien, de diacre, etc. Ce qui fait d’eux des évangéli-stes évangéli-ques. Ou le contraire.

Or les évangéliques, c’est bien simple, on n’y comprend rien. A part le fait que ce sont des suppôts de Bush. Des convertis-par-les-missionnaires-américains, qui se roulent par terre la bave aux lèvres en hurlant « Jésus, Jésus ! », sisisi, je l'ai même vu à la télé. Quand en plus ils sont tsiganes (autant dire des voleurs de poules), alors c’est le pompon.

Sébastien Fath, dans ce qui est à mon sens son meilleur ouvrage, avait pourtant brillamment nuancé les choses. On apprenait par exemple, au fil des pages, que si vous croisez un réformé en Bretagne, c’est qu’il n’est probablement pas Breton de souche. Car les protestants historiques en Bretagne ne sont pas calvinistes, mais méthodistes, c’est-à-dire évangéliques, et ce depuis le début du XIXe siècle. Que les évangéliques américains ne le sont que grâce à une poignée d’Européens issus de la Réforme radicale. Et en tout cas que ces chrétiens-là sont bien chrétiens, avec une histoire de plusieurs siècles, qui n’a rien à envier à la nôtre ; ce sont même eux qui ont fondé les Etats-Unis bien avant qu’ils ne soient les Etats-Unis.

La Pennsylvanie ? Elle tire son nom de William Penn, le fondateur des Quakers, fondateur d’une colonie chrétienne utopiste depuis 1682. Le Massachussets ? Par les puritains, qui avant d’être une insulte étaient des Anglais du XVIe siècle. Rhode Island, capitale : Providence ? Par un théologien baptiste venu réaliser sur place l’idéal de paix et de fraternité qui l’habitait (notamment avec les Indiens) et fonder une colonie utopique, où la liberté religieuse était le principe absolu, y compris – et c’est suffisamment unique au XVIIe siècle pour être souligné  - pour les Juifs et les musulmans.

Mais revenons à nos Tsiganes. Ah ! On me signale dans l’oreillette que ce terme-là n’est pas clair non plus. Tsiganes, c’est quoi ? Ben les gens du voyage. Oui, les Manouches, les Roms, les Gitans, les Bohémiens quoi. Peu importe, m’assure la voix dans mon oreillette : on voit en gros de qui il s’agit.

Bon. Je ne vous referai pas le coup de "catholiste", Boileau, ma mère, etc. Mais le problème est encore là. Je vous renverrai donc à l’excellent site d’A part entière pour une information détaillée.

Or ces Tsiganes évangéliques sont et font l’objet, chaque année, de bras de fer plus ou moins musclés de la part des autorités municipales où ils posent leurs caravanes. En général, le schéma est toujours le même : ils demandent à stationner sur le territoire d’une commune, dans l’une des aires d’accueil prévues par la loi, qui se révèle trop petite, insalubre ou inexistante ; ils se mettent alors ailleurs (sur un stade, dans une aire privée, etc), le maire prend un arrêté d’expulsion, les gens du voyage attaquent la légalité de l’arrêté auprès du tribunal administratif, et qu’ils perdent ou gagnent, cela leur laisse le temps de rester les quelques jours prévus. Parfois, cela se passe plutôt bien, comme ici ou là ; parfois les tensions sont palpables entre nomades et riverains, comme ou encore . Ce dernier article donne d’ailleurs toute la mesure de la situation ubuesque dans laquelle sont les gens du voyage : une commune ayant rempli son obligation légale de construire une aire d’accueil est furieuse que les Roms aient fait un campement sauvage. Or l’aire d’accueil est conçue pour… dix caravanes. Qu’étaient-ils censés faire, nos évangéliques ? Poser dix véhicules et demander aux 90 autres de rouler jusqu’à trouver une municipalité plus accueillante ?

Je vous l'avoue, la violence des commentaires postés sous les articles sus-cités m'effraie. Ce n'est même pas dans l'indifférence que ce déni de droit s'opère et se renouvelle chaque été. C'est avec le sentiment communément partagé que les choses sont bien ainsi.

 

La mission Vie et Lumière, pour mémoire, est une association tout ce qu’il y a de plus réglo, membre de la Fédération Protestante de France (FPF) depuis 1975, c’est-à-dire 20 ans avant la très respectable Armée du Salut. Et les gens du voyage – pour reprendre le terme administratif – sont des citoyens français. Qui malgré tout ne disposent pas des mêmes droits que tout le monde, et sont l’objet d’une suspicion généralisée, ainsi que le rappelle la FPF dans son très opportun communiqué de jeudi dernier, dont voici le texte intégral :

Gens du voyage : n'ajoutons pas une injustice de plus

Communiqué de la Fédération protestante de France — 22 juillet 2010. Un groupe de personnes, gens du voyage sédentarisés, a vandalisé le centre-ville de Saint-Aignan (Loir-et-Cher) en réaction au décès d’un jeune.

 

 

Un groupe de personnes, gens du voyage sédentarisés, a vandalisé le centre-ville de Saint-Aignan (Loir-et-Cher) en réaction au décès d’un jeune. Les images diffusées sont violentes et font leur effet. Toute une population est alors stigmatisée alors que ces épisodes de violence relèvent du droit commun.
Rappelons que la grande majorité des gens du voyage est française même si ceux-ci ne jouissent pas des droits de tous les Français (ils ne peuvent pas voter avant 19 ans, par exemple).
Une partie importante d’entre eux est protestante et travaille activement de diverses manières à aider la population tzigane à s’intégrer.
Avant de stigmatiser ces Français, réfléchissons aux dénis de citoyenneté qui leur sont infligés. Quand aujourd’hui on veut leur appliquer la loi dans toute sa rigueur concernant les aires de stationnement par exemple, il faut se souvenir que la loi (du 5 juillet 2000) impose aux municipalités de plus de 5000 habitants de mettre à disposition des aires d’accueil et aux normes pour les gens du voyage. Ce que la majorité d’entre-elles n’a jamais fait impunément. Qui doit montrer l’exemple ?

Au délit de faciès dont souffrent quotidiennement les Tziganes, Roms et autres Manouches, qui sont sans cesse contrôlés, méprisés, suspectés, n’ajoutons pas une injustice de plus en les mettant pour des raisons troubles au pilori de la nation. »

Comme dans toute population pauvre et largement marginalisée, les délinquances sont plus visibles qu’ailleurs. Faut-il se contenter de punir ou reprendre la question fondamentale de la justice sociale ?

Jean de La Fontaine, dans Les animaux malades de la peste, mettait déjà en garde contre la tentation de crier haro sur le baudet et de condamner cyniquement les plus faibles. La Fédération protestante de France ne peut pas laisser maltraiter une part de ses membres, et plus largement appelle les pouvoirs publics à ne pas agir sans discernement et à faire respecter les obligations des communes.

 

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